Loulou, l’image de la femme, mon image…
Samedi soir, j’étais bien installée sous mon plaid devant The Voice. Loulou était à mes côtés et Ti’Loulou sur le fauteuil à côté. C’est notre moment à nous le samedi soir que ce soit devant The Voice ou Koh Lanta. Après des semaines chargées et des samedis parfois bien remplis, on se pose, on commente, on encourage… Mais ce samedi soir, j’étais loin de me douter que je devrais tout arrêter pour avoir une conversation avec mon fils de 11 ans 1/2 sur l’image de la femme.
Quand est-ce que tu le commandes maman ?
L’émission commence. Certaines voix ne nous font ni chaud ni froid, d’autres nous donnent des frissons. On ferme les yeux, on s’imagine à la place des coachs, est-ce qu’on se retourne ou non ? A aucun moment pendant l’émission, Loulou ne fait de remarque sur le physique des candidat·e·s. Et puis vient la coupure publicitaire.
Là, devant-nous, Sophie Davant, confortablement installée dans un fauteuil blanc, échange avec une jeune femme :
- « Avec le superprogrammeminceur vous avez perdu 44 kilos. Pourtant vous aviez l’air de vous assumer puisque vous participiez à des concours de beauté pour femmes « rondes » ?
- Oui – répond la jeune femme – mais je n’aimais pas du tout l’image que je me renvoyais dans le miroir.
- Qu’est-ce que ça a changé en vous ?
- Je suis devenue une femme confiante et sereine aujourd’hui !
- Alors testez une semaine gratuite – annonce une voix masculine suivie d’une présentation – et vous perdrez 2 kilos la semaine prochaine ! »
C’est alors que sans que je ne m’y attende, Loulou me dit :
« Ah mais c’est ce qui te faut Maman, quand est-ce que tu le commandes ??? »
Je ne vous raconte pas tout ce qui m’est passé dans la tête en l’espace d’une demi-seconde et le choc que ça a été d’entendre ça. Mon esprit s’est pris cette remarque comme un uppercut qui m’aurait mise KO il y a quelques mois encore. Avant de poursuivre cet article, je vous invite vivement à aller lire celui-ci pour éviter de venir me juger https://egalimere.fr/2017/06/dysmorphophobie-origines-du-mal.html
Sans tout le travail que j’ai fait pour accepter ce que toute ma vie on a appelé mon « gros cul », je crois que j’aurai soit pleuré, soit filé au chiottes me faire vomir. Et j’aurai pris la décision sur le champ de maltraiter mon corps encore une fois à coup de régimes.
Mais au lieu de ça, j’ai entamé une discussion avec Loulou.
Loulou et l’image de la femme
Passé l’effet de surprise, j’ai demandé à Loulou pourquoi il me disait ça et s’il pensait que j’en avais besoin. Et là, j’ai presque regretté d’avoir posé la question :
« Bah, tu ne ressembles pas vraiment à un mannequin ou à une femme comme on voit à la télé ! »
Nouvel uppercut ! Mais cette fois, je ne le prends pas pour moi (enfin, si, un peu quand même, je ne vais pas mentir) parce que nous y voilà ! Je ne correspond pas aux « standards » de la beauté auxquels sont confrontés nos enfants à longueur de journée. Et punaise, ça me fait mal au bide de me dire qu’à 11 ans 1/2, mon fils a déjà intégré ce stéréotype dans la tête.
Je lui ai demandé si, autour de lui, toutes les femmes étaient comme on les voit à la télé ou dans les magasines. Réponse sans appel : non.
J’ai poursuivi en lui demandant si une femme devait être mannequin pour être belle ? Quelles étaient les femmes qu’il trouvait belles dans notre entourage…
Nous avons discuté avec Loulou sur le métier de mannequin et ses exigences.
Sur le corps des femmes et le fait qu’on puisse préférer des femmes minces ou des femmes rondes. Que la définition de la beauté pour les un·e·s peut être différente de celle des autres…
Il a fini par me dire qu’il ne voulait pas me faire du mal en me disant ça. Qu’il sait très bien que les femmes ne sont pas toutes des mannequins. Qu’être « belle » ne repose pas que sur l’apparence physique. Et puis aussi qu’il me trouvait belle « pour mon âge » et surtout qu’il m’aimait comme j’étais.
J’ai bien cru que j’avais fait un bon travail de sensibilisation sur mon fils et j’étais contente de moi. Mais ça, c’était avant de discuter avec Egalipère.
Loulou et l’image que je lui renvoie
Comme cet épisode m’a interpellée, j’en discute donc avec mon cher et tendre. Je lui rapporte la conversation avec Loulou, l’image de la femme, le métier de mannequin, etc…
Je vois dans son regard qu’il n’est pas tout à fait d’accord avec moi alors je lui demande pourquoi. Sa réponse me parait si évidente que je me demande comment je suis passée à côté de ça.
En fait, c’est simple. Depuis des années, Loulou m’entends parler de mon poids. Il m’a vue enchaîner des régimes, pleurer en disant que j’avais un gros cul, surveiller mon alimentation…
Il a donc grandi avec une femme qui souhaite rentrer dans les « standard de la beauté » pour se sentir bien dans sa peau. Pour ne plus entendre cette voix qui la rabaissait dès qu’elle prenait un kilo. Avec une femme qui ne mange pas la même chose que sa famille à table. Une femme qui se pèse tous les jours et scrute la cellulite sur ses fesses…
Bref, le poids de mon humeur est devenu son quotidien…
L’importance de l’image que je renvoie à mon fils
Il m’avait déjà alertée une première fois lorsqu’il avait refusé de manger ce que j’avais préparé. Lorsqu’il m’avait dit « je veux manger comme Maman pour pas grossir« . Je m’étais rendue compte de l’influence que je pouvais avoir sur mon fils, son rapport à la nourriture, au corps.
Ce fut un des éléments déclencheurs de mon envie d’en finir avec cette dysmorphophobie.
Le parcours a été long, douloureux, et je savais bien que tout n’était pas encore résolu. Mais depuis quelques mois, j’avais l’impression de me sentir vraiment mieux dans mon corps. Il y a des jours avec et encore des jours sans mais rien de comparable à ce que je ressentais il y a encore 6 mois.
Mais je n’avais pas réalisé à quel point le rapport que j’entretenais avec mon corps avait marqué Loulou dans ses représentations.
L’image qu’il peut avoir des femmes est l’image que je lui renvoie. Celle d’une femme éternellement insatisfaite de son corps, qui cherche la perfection, qui veut maigrir encore et toujours. L’image d’une femme qui veut ressembler aux autres. Atteindre un rêve inaccessible que seules peu de femmes peuvent atteindre : la beauté, la minceur, la jeunesse éternelle…
Déconstruire mes propres stéréotypes
L’image de la femme dans les médias n’a pas une influence que sur mes enfants mais également sur moi. Malgré tous mes beaux discours, mes coups de gueule contre ces diktats de la mode, j’ai continué à traîner mes boulets et mes envies de ressembler à ces femmes.
Toutes ces images, ces injonctions, sont bien ancrées dans ma tête. La violence de certains propos et certaines attitudes subies dans mon passé ont eu raison à maintes reprises de mon esprit, de ma volonté d’aller mieux. Parce que vivre 15 ans avec une personne qui exerce un contrôle permanent de votre apparence physique et votre esprit, ça ne s’efface pas en quelques jours…
J’aurai beau dire à mes enfants que les femmes sont belles comme elles sont, si je n’en suis pas convaincue pour moi, comment faire passer le message ? Quelle est ma part de responsabilité dans la remarque de Loulou ? Après tout, il n’a fait que me renvoyer à mes propres réflexions. Il n’y avait rien de méchant dans ses propos, juste une envie de m’aider à perdre du poids.
Et continuer sur le chemin de l’acceptation…
Alors il faut que tout cela cesse une bonne fois pour toutes. Pour moi mais aussi pour mes enfants qui ne doivent pas grandir avec cette image de la femme.
Les échanges avec mon fils et mon mari m’ont ouvert les yeux encore un peu plus. Comment puis-je d’un côté m’insurger contre ces images et de l’autre vouloir leur ressembler ? Par quel moyen puis-je apprendre à mes enfants le respect d’eux même si moi-même je ne me respecte pas ?
J’ai déjà parcouru une bonne partie du chemin pour aller vers le mieux-être mais je ne suis pas encore arrivée au bout. Alors il faut que je fasse le deuil de celle que je ne serai jamais.
J’ai 48 ans, des rides sur le visage, je mesure 1 m 63, je pèse 57 kilos, j’ai des petites jambes par rapport au reste de mon corps, de la cellulite sur les fesses…
Je sais, pour certaines personnes cela semble ridicule d’avoir du mal à accepter mon poids.
Mais encore une fois, avant de venir me juger, apprenez à me connaître. Certaines violences psychologiques laissent des traces bien longtemps après avoir réussi à fuir cette situation. C’est mon cas et je travaille encore là-dessus.
Alors non, je ne correspond vraiment pas à la classe mannequin. Je ne lui ai jamais correspondu et ce n’est pas maintenant que les choses vont changer.
Le chemin est peut être encore long pour franchir la ligne d’arrivée de l’acceptation de soi. Mais après avoir réalisé que l’image que j’ai de moi influence la vision des autres chez mon fils, je suis encore plus déterminée à tout faire pour y parvenir…
Retour sur mon parcours pour mieux comprendre :
❤️❤️❤️
Ce n’est pas la vérité qui est sortie de la bouche de Loulou mais une manière de me faire prendre conscience de l’image que je lui renvoie. Alors maintenant, je pense qu’après ce nouvel électrochoc, je vais faire attention à ce que je dis et ce que je fais 🙂
Coucou,
Joli article une fois de plus. Je me retrouve pas mal dans ce que tu dis, même si nous parcours sont bien différents. Pas de soucis étant jeune pour moi, jamais de régime non plus(je ne peux pas le passer de pâtes ou de chocolat ). Par contre mon titi m’a déjà dit que j’étais grosse (pour info je dois être a peu près comme toi 1m61 pour 58kg donc loin d’être énorme ni même grosse) mais quelques kilos qui restent depuis mon dernier accouchement et que j’ai du mal a supporter aussi.
Le pire dans tout ça c’est que je me souviens que petite je trouvais que ma mère avait de grosses cuisses sur la plage (je ne lui ai jamais dit, mais je l’ai pensé).
Bref, je me dit maintenant que même sans faute de régime j’ai tendance a râler par fois car mon ventre est trop gros…et que mes enfants doivent avoir la même vision que ton fils de la beauté. Il va falloir que je fasse attention surtout avec mes 2 grandes qui entrent dans l’adolescence.
PS: le pire c’est qu’ici Mr papa est gros, mais n’a ne choque pas les enfants en fait.
Bonne journée et bon courage pour la suite.
Je ne pense pas que les enfants pensent à mal lorsqu’ils nous disent ce genre de chose. Dans le cas de Loulou, il ne faisait que me renvoyer à ce que je dis souvent, à mes envies de maigrir encore et toujours. Il a grandi avec ça et je ne m’en étais pas vraiment rendue compte. Maintenant, je vais être plus vigilante et continuer ma démarche pour réussir enfin à faire le deuil de ces années passées à vouloir correspondre à une image de la femme pour éviter d’être rejetée, ignorée ou subir la violence des mots…
Merci pour ton soutien et puisqu’on est dans le même moule, sachons être bienveillantes avec nous 🙂
Tu sais contre quoi tu te bats, tu connais l’origine du mal. Moi toujours pas. Comment se fait il que je me déteste autant. Mon physique ma tronche. Bref j’ai 46 ans et je crois que ce mal être m’habitera à vie. Avant je pensais qu’en vieillissant je serais plus bienveillante avec moi même mais que nenni, ça n’arrive pas.
Toujours est il que ce qui s’est passé avec ton fils m’est également arrivé avec le mien, qui se trouvait gros à 11 ans alors qu’il était nickel (ma faute), qui se prenait la peau du bide entre les doigts sous la douche en disant qu’il était gras (ma faute). Du coup j’ai arrêté d’en parler devant lui un temps. Mais le naturel revient vite au galop. Donc il m’a toujours entendu dire que je devais perdre du poids ou faire plus de sport ou arrêter de manger ceci-cela ou le soir. Ma faute. Cela m’a toujours fait avancer, progresser, agir de façon « moins pire » mais je suis comme ça.
Ma mère m’a souvent dit « c’est de ta faute, à toujours parler de ton gros cul blablabla ». Oui sûrement. Mea culpa. Mais ne serait-ce pas aussi un peu de la faute de mes parents (enfin surtout de mon père) qui étaient toujours à passer tout le monde en revue sur la plage l’été « t’as vu elle a les seins en gant de toilette », « elle ferait mieux de mettre un monokini avec un tel ventre » … ou bien encore à passer derrière moi en me tapotant les fesses et en me disant « tu devrais te mettre au sport c’est pas ferme tout ça » à l’adolescence ?
Alors je tâche d’avoir des conversations qui viennent contre balancer ce que mes enfants voient ou entendent à ce sujet mais je suis comme je suis, impossible de ne plus râler ou faire attention. Mes enfants mangent sainement, ils n’ont pas de problème de poids. Ils savent que c’est important de ne pas manger et boire des cochonneries, j’ai expliqué à mon plus jeune pourquoi il n’aurait pas de kinder bueno comme tous ses potes au goûter à l’école, pourquoi nous n’avions pas de bonbons ou pâte à tartiner à la maison (sauf rares occasions) et je ne leur fait que du bien en les élevant comme ça. Ca j’en suis convaincue. Les bonnes habitudes alimentaires c’est jeune que ça se prend.
On ne peut pas être parfaite sur tous les plans. Les parents aussi ont des trauma à gérer.
« Les parents aussi ont des tramas à gérer » je crois que c’est la phrase qui résume le mieux ton commentaire. Pas facile tous les jours de vivre avec le poids de notre passé, ces petites réflexions qui peuvent paraître anodines mais qui, jour après jour, s’immiscent dans nos cerveaux. Que ce soit un ex, un père, une mère, une soeur, un·e enseignant·e, toutes ces personnes qui pensent que c’est « pour notre bien » nous font finalement du mal.
Une fois qu’on a compris ça, comment faire pour aller mieux ? Accepter ce corps dans lequel on vit ? Faire comprendre à celles et ceux qui se demandent pourquoi on focalise sur notre poids qu’on en souffre vraiment et qu’on ne cherche pas à être rassurée à coup de « mais ça va, tu es bien comme ça »…
Il faut du temps, beaucoup de temps sans doute. Travailler sur l’origine du mal, remuer « la merde » dans notre cerveau pour mettre des mots dessus, essayer de trouver des moyens d’exorciser toute cette douleur intérieure.
Je ne sais pas si on en sort un jour. Je pense qu’il y aura toujours des failles, des moments où ça va nous péter en pleine figure et qui vont encore nous faire mal. Mais sincèrement, j’espère pour toi comme pour moi qu’ils seront de moins en moins nombreux ces moments et qu’en tous cas, ils n’attendront pas nos enfants.
Toi tu avances, tu as fait un beau et bon travail sur toi c’est admirable… ça et la course je suis épatée Madame 🙂
J’ai mis près de 15 ans avant d’en arriver là Madame ! Alors oui, j’avance, j’en suis très heureuse et fière même mais punaise, ça aura pris un sacré bout de temps. J’espère que tu vas y arriver toi aussi parce que tout ça, ça nous bouffe la vie et nous empêche d’en profiter.
Coquille
« si, autours de lui, » autour ?
Faute corrigée.
J’ai adoré votre article, sauf la fin, je suis choquée. Je ne connais pas votre histoire, mais se trouver grosse avec une imc si basse (mais encore normale), peut être que vous ne devriez pas être seule pour travailler sur votre représentation de votre image.
Dans cet article, je ne parle pas de mon passé ni de tout ce que j’ai entrepris pour réussir à me sortir de cette dysmorphophobie. C’est pourquoi j’ai mis différents liens pour que les personnes qui ne connaissent pas mon parcours puissent en prendre connaissance. C’est un travail sur soi qui prend beaucoup de temps, qui peut être douloureux mais au final, je commence à voir le bout du tunnel.
A lire pour comprendre : https://egalimere.fr/2017/06/dysmorphophobie-origines-du-mal.html
Pfffiou 57 kilos!!!
Oui, je sais, ça peut paraître complètement absurde de ma part c’est pourquoi je vous invite à lire ce billet qui explique le pourquoi du comment : https://egalimere.fr/2017/06/dysmorphophobie-origines-du-mal.html