Le poids de mon humeur, ce terrible secret
« Gros cul, gros cul, gros cul… » Bien des années plus tard, c’est avec le sourire que cette comptine raisonne encore dans ma tête. Mes sœurs et frère aimaient bien me charrier sur cet aspect de mon anatomie tout comme je me moquais du nez ou des oreilles de l’un-e ou de l’autre. Nous étions enfants, il n’y avait derrière ces mots aucune intention de me blesser… Le mal est venu plus tard.
Lorsque je revois des photos de moi enfant, en effet, mes fesses sont rebondies. Je n’ai jamais été mince comme mes copines, plutôt dans la normale, avec cette particularité d’être dotée d’une cambrure qui donne à mon postérieur un aspect rebondi avec du volume.
Je pratiquais du sport tous les jours ou presque, je passais mes journées à l’extérieur, je ne mangeais pas trop de cochonneries et mon corps s’est développé avec des muscles plutôt saillants. Le sport ne m’a jamais fait maigrir, il m’a sculptée sans jamais faire dégonfler mon derrière.Pour autant, ce « gros cul » ne m’a jamais empêchée de vivre mon enfance et mon adolescence de manière tout à fait sereine et heureuse, il ne m’a pas complexée plus que cela, ne m’a pas freinée dans la manière de m’habiller. A cette époque, je ne me préoccupais pas encore de mon « poids » .
Perdre du poids…

Illustration Mademoiselle Maman
Pourquoi m’imposer tout cela ?
Parce que de mon poids allait dépendre mon rapport avec l’autre. Je mesure 1 m 63, je pesais 52 kilos lorsque je l’ai rencontré, 54 quand il a commencé à me faire remarquer qu’ils étaient 5 de trop…
Dès que je gonflais un peu, je n’étais plus désirée, j’étais rejetée, je ne valais plus rien… Dès que je maigrissais, je redevenais un « objet de désir » auquel il apportait de l’attention, couvait de mots doux et de compliments, un trophée qu’il était fier d’exposer à la vue des autres, une poupée qu’il pouvait habiller pour exhiber ses formes presque parfaites…
C’est difficile à comprendre pour les personnes qui n’ont pas vécu cette situation et qui diront que j’aurai pu refuser tout cela et le quitter. Mais quand vous être confrontée à ce qu’on appelle « la manipulation« , qui fait partie d’un mécanisme bien plus complexe (l’emprise), vous ne vous rendez compte de rien, vous perdez tout sens critique et tout raisonnement.
Je n’avais pas besoin de balance, son œil « expert » suffisait à me faire comprendre dans quelle catégorie je me situais : désirable – non désirable.
Descente aux enfers
- me déshabiller,
- sortir la balance
- effectuer les réglages
- poser le pied droit puis le pied gauche
- fermer les yeux pour éviter de voir les chiffres s’affoler
- me scruter longuement dans le miroir
- regarder le résultat…
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Illustration KMie |
Cela à duré de trop nombreuses années mais heureusement, un jour, ma vie a pris un autre tournant. J’ai réussi à partir (ça, c’est une autre histoire) mais je n’avais plus aucune confiance en moi. Je cachais mon corps dans des vêtements qui ne me correspondaient pas. Je ne voulais plus qu’on le voit. Je ne voulais plus être cet objet. Je ne voulais plus qu’on me regarde…
Malgré les mots doux et les caresses de mon amoureux, j’ai continué à vivre avec « le poids de mon poids », avec cette obsession du chiffre sur la balance, avec ce contrôle régulier.
Personne ne se doutait de ce que je ressentais le matin face à la balance. Personne ne s’imaginait que je vivais avec cette obsession, avec ce sentiment de honte, de culpabilité, d’échec permanent parce que je n’arrivais plus à descendre en dessous du poids de mes 20 ans.
Mon corps a morflé pendant toutes ces années et maintenant, il se défend à sa manière et refuse de subir ces effets yoyos… Je l’ai bien senti bien lorsque j’ai décidé de me remettre une énième fois au régime.
Première prise de conscience
J’avais retrouvé le poids de mes 25 ans mais perdu une partie de moi.Je ne partageais plus les repas avec ma famille, je refusais les invitations chez nos ami-e-s ou au restaurant, je vivais dans la crainte du moindre gramme que je pourrais reprendre, j’étais une obsédée du gras et du sucre, je contrôlais tout, absolument tout, les étiquettes pour vérifier que l’apport en protéines est supérieur à celui en glucide, la moindre trace de matière grasse…
Je perdais ma bonne humeur. Je me renfermais sur moi et au lieu de me sentir fière, je me sentais aigrie. J’avais l’impression d’être « agressée » en permanence par la nourriture, par les gâteaux dans les vitrines des pâtisseries, par les odeurs des rôtisseries, par le marchand de vin qui me propose de goûter son dernier arrivage, par le restaurant indien qui veut m’offrir un nan au fromage avec ma commande…
Je me rendais bien compte que tout cela avait une incidence sur ma vie de couple, ma vie de famille, ma vie sociale… En gros, j’étais devenue chiante pour tout le monde et j’ai fini par m’en rendre compte.
Que faire alors ? Soit je poursuis dans cette voie et je m’isole de tout le monde. Soit je lâche un peu la pression et je reprends goût au partage de bons moments à table. Je profite de l’instant présent. Je savoure tout ce qu’il y a de bon sur cette terre sans entrer dans les excès non plus.
J’ai choisi la 2ème option !
La claque !
Difficile pour mon entourage de comprendre mes sautes d’humeur. Difficile d’expliquer à celui qui m’aime avec ce que JE considère comme des kilos en trop que j’avais replongé dans l’addiction à la balance. Je n’arrivais pas à lui avouer que cela jouait sur mon comportement, sur mon humeur. J’avais envie de pleurer lorsque je me regardais dans le miroir ou que je posais mes mains sur certaines parties de mon corps.
Ce mal est en moi, encré bien profond. Parfois, il se fait plus petit, plus discret mais lorsqu’il réapparaît, il est de plus en plus douloureux, de plus en plus vivace. Je sais qu’il me fait du mal mais il fait également du mal à mon entourage et de ça, j’en ai assez. Non, mes enfants, mon compagnon et moi-même n’avons pas à subir les conséquences du passé !!!
Alors, j’ai entrepris un travail sur moi, sur l’image que j’ai de mon corps, sur mon ressenti, sur les liens du passé.Cela prend du temps, je n’ai pas encore affronté tous mes vieux démons mais je suis davantage bienveillante envers moi-même et j’arrête de vouloir me fixer des objectifs qui ne sont plus réalisables. Ma rencontre avec un Conseiller en Image dernièrement m’a d’ailleurs bien aidée et je vous en avais parlé dans un billet à relire ICI.
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Illustration Crayon d’Humeur |