La prématurité de mon fils est un sujet qui est encore très sensible dès que je l’aborde. Il y a quelques temps, j’avais rédigé un article pour « Avis de Mamans » dans lequel je parlais de la culpabilité qui m’a envahie à sa naissance et qui reste encore bien présente.
Il m’a longtemps été difficile d’expliquer ce sentiment, de comprendre pourquoi j’ai tant culpabilisé d’avoir mis au monde un enfant trop tôt et pourtant, qu’est-ce qu’est-ce que j’ai pu m’en vouloir !!!
Je me disais que j’aurais dû être plus vigilante, que j’aurais dû me reposer davantage, éviter de prendre les transports en commun pour aller travailler, éviter de faire 800 km aller et 800 km retour en voiture pour aller voir ma famille dans le Sud pendant les vacances, que j’aurais dû faire ceci et ne pas faire cela…
Toutes les raisons étaient bonnes de culpabiliser parce que je cherchais une explication, je tenais absolument à savoir POURQUOI cela nous arrive à nous, qu’est-ce que j’avais bien pu faire « de travers » pour ne pas avoir réussi à mener ma grossesse à terme ?
La prématurité, ce saut dans l’inconnu et la peur…
La prématurité, c’est ce moment où tout bascule lorsque la sage-femme explique que votre bébé est sur le point d’arriver et qu’il est trop tard pour arrêter les contractions. C’est plonger dans l’incertitude, les questions qui restent sans réponse, les peurs, les doutes, les angoisses, ce sentiment de vide lorsque l’équipe médicale amène votre enfant sans que vous l’ayez entendu pleurer, ces longues minutes à attendre de savoir si tout va bien… C’est affronter le regard des autres et sentir monter en soi ce sentiment de culpabilité.
Parce que oui, je me sentais coupable aux yeux de la société de ne pas avoir respecté une espèce de « contrat de grossesse » qui m’engageait à mettre au monde un beau bébé joufflu de 3 kilos passés, qui rempli son pyjama taille naissance – 1 mois, qui réussi à téter dès la première tentative, que tout le monde peut voir et toucher dès le premier jour et qui découvrira sa chambre et sa jolie maison 3 jours après sa naissance…
Non, à la place de ce tableau idyllique, vous vous retrouvez seule dans votre chambre le soir parce que votre tout petit bout est en néonat, branché à des capteurs, surveillé par une équipe médicale qui pourra vous alerter à tout moment de la nuit pour vous demander de venir en urgence.
Le mal de mère…
Vous pouvez recevoir des visites mais quand les gens viennent vous voir, l’ambiance est étrange : ils sont là, dans votre chambre de la maternité et pourtant, il n’y a pas de bébé à voir, juste une femme qui vient d’accoucher et qui aurait besoin d’un peu plus d’attention que ce qu’elle laisse à voir.
Parce que ce qu’il faut comprendre, c’est que derrière ce sourire, la personne que vous avez en face de vous vit des moments difficiles : un mélange de culpabilité, d’inquiétude, de tristesse, de rage, un sentiment d’injustice, d’incompréhension… Bien sûr, elle n’est pas seule à souffrir de cette situation puisque le père peut également se sentir démuni et impuissant.
Malgré tout, la charge émotionnelle liée à la culpabilité est bien plus forte chez la femme qui vient de donner naissance à un enfant prématuré que chez son conjoint. Parce que c’est toujours la même question qui revient en boucle : pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’aurai pu faire ?
Lorsque j’ai revu l’obstétricien, je lui ai demandé pour quelles raisons ma grossesse n’avait pas été menée à terme. Lui, le grand professeur, le chef de service maternité, celui qui est sensé tout savoir m’a répondu : « Il n’y a pas d’explication, vous n’avez rien à vous reprocher, c’est comme ça et on ne sait pas pourquoi ! Votre enfant a décidé de venir à ce moment là et vous n’auriez rien pu faire d’autre !« .
Et c’est ainsi pour la plupart des naissances prématurées… Voilà, c’est comme ça, on ne sait pas, il n’y a rien de logique là dedans, rien de défini.
Est-ce qu’on se sent mieux quand on le sait ? Non, clairement pas. Parce qu’on entre dans un monde totalement inconnu et que cela nous fait peur. On se pose des millions de questions sur notre enfant, son développement psychique et moteur, d’éventuels séquelles…
Mais on a pas le choix, il est déjà là notre enfant alors il faut apprendre à s’en occuper, à lui donner les soins, le nourrir, le baigner, le changer.
Petit à petit, notre enfant a pris des forces et ce n’est plus un sentiment de culpabilité qui nous a envahi mais un sentiment de bonheur et de fierté !
8 ans se sont écoulés depuis la naissance de Loulou et je suis heureuse de constater que la prématurité est un sujet dont on parle de plus en plus.
L’après prématurité…
Lorsque nous avons été confronté à la néonat, nous ne savions pas à quoi nous attendre. Le personnel médical était à l’écoute et bienveillant mais n’avait pas le temps de nous soutenir, ce n’était pas son rôle. J’aurai apprécié à ce moment là de pouvoir me confier à une association, à une personne extérieure à laquelle j’aurai pu expliquer mes doutes et mes angoisses, mon sentiment de culpabilité et ma peur de l’avenir. Quelqu’un que j’aurai pu appeler le soir, alors que j’étais seule dans ma chambre, à entendre les autres bébés dans les chambres à côté et que je ne faisais que pleurer…
Heureusement, des associations se sont créées, des sites permettent de trouver des informations et du soutien dont les parents peuvent avoir besoin pour franchir ces moments difficiles…
Il est maintenant possible de détecter les signes d’une « Menace d’Accouchement Prématuré » pour que les équipes soignantes mettent en garde les futurs parents et que ces derniers prennent des mesures de précaution.
Me dire que je n’y étais pour rien ne m’a pas permis de m’en sortir avec « Madame la Culpabilité » qui m’accompagne depuis toutes ces années. Mais elle n’est pas liée qu’à la naissance prématurée de mon fils parce que j’ai réalisé qu’elle a fait son entrée dans ma vie en même temps que les deux petits bâtons sur le test de grossesse.
Et oui, la culpabilité fait partie intégrante de la parentalité !!! Nous sommes soumis-e à des injonction d’être des parents parfaits dès la grossesse (manges pas ci, bois pas ça, ne grossis pas trop…), cela se poursuit à la naissance, dans les premières années de nos enfants…
Elle sera toujours là, tapie dans un coin, mais j’essaie de m’en détacher petit à petit parce que oui, on pourra toujours mieux faire mais on peut aussi se dire que ça pourrait être pire et qu’au final, on s’en sort pas si mal que ça !
Pour un complément d’informations sur la prématurité, voici quelques sites d’associations :
- SOS Préma
- Bébé Préma
- Association pour le suivi des nouveaux-nés à risque (ASNR)
- Fédération Jumeaux et Plus
- Bébé Plume