Nous sommes en 2016. La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a été votée en 2014. De nombreuses mesures sont mises en place pour (tenter de) parvenir à l’égalité professionnelle, à davantage de mixité dans les filières scolaires et professionnelles, à une plus grande implication des pères dans la sphère familiale et un partage des tâches domestiques… On a envie de se réjouir de ces avancées quand soudain, sur les pages Facebook et Twitter de Santé + Magazine est publiée cette image :
Cette image a été partagée plus de 33000 fois, commentée plus de 1900 fois, aimée par 61200 personnes. Pour du buzz, c’est du buzz mais difficile d’en rester là…
Santé Plus Magazine et l’image du « bon père de famille » :
Cette photo a sans doute voulu rendre gloire aux pères de famille, ces « oubliés » de la reconnaissance sociale. Mais elle renvoie surtout le père à son rôle primitif de chasseur-cueilleur qui rapporte de quoi subvenir aux besoins de sa famille restée bien à l’abri dans la grotte.
Alors certes, il donne de l’amour mais est-ce que ce n’est pas un peu trop réducteur ??? Oui, donner de l’amour c’est bien quand on connait le nombre de pères qui abandonnent femmes et enfants mais cela ne suffit pas à remplir le rôle du père, enfin, pas dans sa notion actuelle.
Parce qu’être père, qu’est-ce que c’est ?
Chacun-e pourra y aller de sa définition mais être père ne se réduit pas à « se tuer au travail pour faire vivre sa femme et ses enfants » et donner de l’amour. C’est un rôle bien plus complexe comme celui de tout parent, père ou mère.
Etre parent, c’est s’impliquer dans la sphère familiale, être présent auprès de ses enfants, contribuer à leur éducation et leur autonomie, leur apprendre les règles de vie en société, les soigner, les nourrir, prendre soins d’eux… Et tant de choses encore !
Renvoyer le père à sa fonction de « travailleur », c’est nier tous ces pères qui décident de prendre un congé parental pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants, c’est nier tous ces hommes qui participent au partage des tâches domestiques, c’est nier qu’un père peut être autre chose que celui qui rapporte de quoi subvenir aux besoins de sa famille.
Alors réduire les pères à cette fonction de gagne-pain, non merci !
Et l’image de la mère ?
Certaines femmes font le choix de rester au foyer pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants, d’autres subissent cette situation, d’autres travaillent…
Chaque situation est unique, chaque famille agit comme bon lui semble mais je vais rappeler ici quelques faits relatifs aux inégalités professionnelles.
L’arrivée des enfants a une incidence sur les situations professionnelles des femmes : 42 % des mères ont interrompu ou réduit leur activité après la naissance du premier enfant, 70 % à l’arrivée d’un troisième enfant ou plus (enquête emploi Insee 2010). Selon la même étude, l’impact des naissances sur la situation professionnelle des hommes est faible et varie peu au fil des naissances.
Interrompre sa carrière pour se consacrer à l’éducation de ses enfants a une incidence sur le niveau de rémunération et donc sur la retraite.
Les femmes travaillent plus souvent que les hommes à temps partiel de manière à être disponibles aux heures de sorties des écoles ou autres modes de garde. Les hommes choisissent leur emploi en fonction de la rémunération proposée et des perspectives d’évolution professionnelle.
Les femmes ont encore à leur charge 80 % des tâches domestiques et autres activités liées à la parentalité. C’est ce qu’on appelle la double journée qui a également un impact sur la gestion de la carrière professionnelle de la femme.
Enfants malades, horaires de sortie des écoles, difficultés à gérer des déplacements professionnels… L’image de la mère de famille moins disponible qu’un homme a également un impact sur la carrière : absence de promotion, de proposition de formation, de responsabilités… Elles se heurtent donc au fameux « Plafond de verre« .
Est-il également besoin de rappeler que les familles monoparentales sont à très grande majorité féminines ???
Et l’égalité dans tout ça ?
Nous sommes donc en 2016 et un site grand public comme Santé Plus Magazine nous balance une image patriarcale sensée valoriser l’image du père.
Père-Mère, nous sommes toutes et tous engagé-e-s dans un même « combat » pour davantage de reconnaissance de nos rôles respectifs et complémentaires.
Alors qu’on arrête avec cette image du « bon père de famille » qui se tue au travail et qu’on fasse ENFIN en sorte de valoriser le rôle de chacun-e, père, mère, homme, femme…