Voilà près de quatre mois que, à ma grande surprise, ma demande de télétravail a été acceptée par mon employeur. Jusqu’à présent, cette mesure était très peu répandue dans ma structure. Elle était essentiellement limitée à certaines personnes exerçant des fonctions de direction. Mais, pendant les grèves de la SNCF en fin d’année scolaire, nous avons eu beaucoup de mal à venir travailler. Retards, absentéisme, impossibilité de rentrer chez soi pour certaines personnes venant de loin. Alors, la direction générale avait pris des mesures exceptionnelles. Elle avait autorisé certain·e·s d’entre nous à travailler depuis la maison.
Mais, une fois les grèves terminées, tout le monde était de retour au bureau. Le télétravail c’était tabou, on n’en voulait pas pour nous 😉
Pourquoi ai-je fait une demande de télétravail ?
Au retour des vacances d’été, j’ai découvert avec stupeur les nouveaux horaires de l’école. Retour à la semaine de 4 jours, retour aux anciens horaires de sortie des classes. Enfin, pas si anciens puisque ces horaires étaient en application avant le passage à la semaine de 4,5 jours. Vous vous rappelez, le bien-être de l’enfant, les meilleures conditions d’apprentissage… 3 ans après, retour à la case départ. Quid du bien-être des enfants ? Des rythmes d’apprentissage ? C’est un autre débat…
Bref. Comme j’avais anticipé les inscriptions aux activités sportives des enfants, je connaissais les heures d’entraînement. Ti’Loulou devait être au gymnase à 17 h 45 deux fois par semaine pour le handball, un peu plus tard pour le judo. Or, avec les horaires de cette année, soit les enfants quittent l’école à 16 h 30, soit ils restent pour l’étude et ne sortent qu’à partir de 18 h.
Et là, pour moi, problème :
- mes horaires de travail ne me permettent pas de quitter mon bureau avant 16 h 45 minimum
- je ne peux donc pas être à 16 h 30 à la sortie de l’école en partant à 16 h 45. Ou alors j’entre dans un vortex temporel, une machine à remonter le temps…
- les entraînements de handball commencent à 17 h 45 deux fois par semaine
- si je récupère Ti’Loulou à 18 h, il arrive à 18 h 15 au handball. A moins d’entrer dans un vortex temporel… je sais, je l’ai déjà faite celle-là !
- le pic d’activité de mon mari est en fin de journée, il ne peut être à 16 h 30 non plus à la sortie de l’école.
J’ai bien pensé à :
- laisser Ti’Loulou sortir seul de l’école à 16 h 30, rentrer à la maison, prendre son goûter et faire ses devoirs. Puis partir au gymnase en traversant une route que je trouve un peu dangereuse parce que le respect des feux tricolores n’est pas systématique.
- mais Ti’Loulou n’a que 9 ans… et je suis une mère poule, protectrice (castratrice pour certaines personnes). Et je trouve ça un peu prématuré de lui laisser toute cette autonomie d’un coup.
- embaucher une personne qui le récupère à 16 h 30, gère les devoirs et le goûter, puis le trajet jusqu’au gymnase.
- mais d’une part, ce n’est pas facile de trouver une personne qui accepte de travailler si peu de temps par semaine. D’autre part, cela engendrerait un coût supplémentaire d’embaucher une personnes (salaire + charges)
- demander à Loulou d’aller récupérer son frère et s’occuper de lui.
- mais Loulou n’a que 12 ans. Et ce n’est pas à lui de porter cette responsabilité, il a déjà bien à faire avec lui tout seul.
- m’arranger avec d’autres parents pour mettre en place un roulement de récupération des enfants ou autre modalité…
- mais c’était un peu compliqué en ce début d’année. Effet « mais c’est pas possible, on peut pas les récupérer à 16 h 30, on bosse nous aussi !!!«
Alors on fait comment quand ni l’un, ni l’autre ne peut être à 16 h 30 à la sortie de l’école ?
Bah, on fait une demande de télétravail auprès de son employeur.
Voilà comment j’en suis venue à rédiger une lettre de demande de passage en télétravail. Mes arguments : la conciliation vie professionnelle – vie personnelle, le jeune âge de Ti’Loulou qui n’est pas autonome, les coûts supplémentaires liés à une garde d’enfant…
J’ai été convoquée dans le bureau de la direction générale et nous avons négocié sur les conditions de cette mise en oeuvre. Nous nous sommes mises d’accord pour une « période d’essai » de télétravail, 2 après-midi par semaine jusqu’aux vacances de Noël. En cas de réunion ou rendez-vous important ces après-midi, je dois être présente. Les après-midi non télétravaillés ne sont pas récupérables ni transférables. Je dois rester joignable sur ces heures de télétravail.
Pourquoi 2 après-midi par semaine ?
Dans l’idéal, j’aurai aimé avoir 2 jours complets de télétravail. MAIS, comme mentionné en introduction, cette pratique n’est pas mise en place dans ma structure. Il fallait donc y aller « en douceur ». J’ai donc demandé l’équivalent d’une journée de télétravail mais sur 2 demi-journée. Mais ça, c’était avant la période test. Dans la théorie, c’était un bon arrangement mais dans la pratique…
Les premiers jours de télétravail
Je me suis mis une pression de dingue au niveau des horaires. La chose à laquelle je n’avais pas pensé, ce sont les temps de trajet. Et oui, le côté « pourri » de cet arrangement, c’est que je vais bosser le matin. Donc, je prends les transports en commun vers 8 h pour arriver à 8 h 45 au boulot. Puis, je pars à 12 h 45 et arrive à 13 h 30 à la maison dans le meilleur des cas.
Le premier jour, je n’ai pas déjeuné pour être sur mon PC dès 13 h 30 et pouvoir terminer 16 h 20. Je suis allée chercher Ti’Loulou, j’ai passé 1 heure avec lui avant de l’amener à son entraînement. Puis je me suis remise à travailler pendant 45 minutes. Je suis retournée le chercher et pendant qu’il prenait sa douche j’ai encore bossé un peu.
Le deuxième jour, idem. Mais j’ai quand même pris 5 minutes pour déjeuner une fois chez moi. Je ne suis pas adepte du sandwich avalé dans le RER.
Au bout de 3 semaines, je n’en pouvais plus de ce sentiment de travail haché.
Les temps de présence devant mon écran, j’étais super productive. Pas de temps perdu à discuter avec les collègues, à prendre une boisson chaude. Mais devoir m’arrêter pour aller chercher Ti’Loulou, puis l’amener et le récupérer sur deux demi-journées, ce n’est pas satisfaisant pour moi. Le mot qui me vient est « frustrant » parce que je dois interrompre mon travail, m’y remettre, interrompre, m’y remettre…
Sur une journée complète, cette organisation (et sans la pression que je me mets) serait parfaite. Mais là, prendre les transports en commun le matin ET le midi me fait perdre un temps considérable en déplacement. Temps que je pourrais mettre à profit pour travailler dès 8 h 30, m’aménager une petite pause déjeuner, finir mon travail à 16 h 20 et avoir l’esprit tranquille pour gérer ma vie familiale.
Retour aux négociations sur les conditions de télétravail
Après 1 mois 1/2 de ce rythme, je n’en pouvais plus. Trop de déplacements sur 2 demi-journée, trop de temps perdu, trop de frustrations.
De son côté, Ti’Loulou était très demandeur d’autonomie. Il m’avait à plusieurs reprises manifesté son désir de rentrer seul de l’école. Je n’y étais pas très favorable et puis, sur les plusieurs trajets que nous avons effectués ensemble, j’ai vu qu’il était capable de le faire. Et puis finalement, ils sont plusieurs enfants de son école à sortir à 16 h 30 et à faire le même trajet retour, parfois accompagnés d’un parent.
Nous avons fait un essai qui s’est avéré concluant. Le savoir avec d’autres enfants et un parent a un côté rassurant. Et pour Ti’Loulou, c’est très valorisant de gagner en autonomie.
J’ai donc revu ma responsable et après avoir échangé avec elle, demandé à ne conserver qu’une seule demi-journée de télétravail. Cette demande a été acceptée par la direction générale, toujours sous les mêmes conditions de disponibilité et période test.
Bilan du télétravail après 3 mois de mise en place
Très favorable. En tous cas, je pense que l’idéal serait que je puisse télétravailler une journée complète sans avoir à me déplacer. Mais le jour retenu est celui où l’ensemble de mon équipe est présente dans la structure et en profitons pour des réunions de coordination le matin. Une autre journée poserait moins de soucis mais pour cette année, je dois composer avec.
Au niveau du travail, je me trouve super productive. Je pense que je suis plus concentrée chez moi mais pour cela, il faut s’aménager un vrai espace de travail. Un espace dans lequel je peux rester attentive à ce que je fais sans que mon esprit soit attiré par autre chose.
Ma famille est bien au courant que je suis en télétravail. Donc, je travaille et ce n’est pas parce que je suis à la maison que je suis disponible pour autre chose.
J’ai accès à mon environnement de travail grâce à un logiciel. D’ici quelques mois, ma structure passera à O365 ce qui fait que je pourrais accéder à mon bureau virtuel de n’importe où.
Petit bémol concernant le téléphone toutefois.
Je ne suis pas assaillie d’appels en temps normal au boulot mais c’est quand même problématique en télétravail. Je n’ai pas de téléphone portable professionnel et si je dois être jointe, cela se fait sur mon portable personnel. C’est arrivé peu de fois, notamment au moment du lancement d’un projet pour lequel je devais absolument joindre des personnes. J’ai donc laissé mon numéro de portable en expliquant que c’était mon téléphone personnel. Il est donc arrivé que je sois rappelée en dehors de mes heures de travail et le mercredi, jour non travaillé.
C’est arrivé très rarement et avec ces personnes que je connais bien alors cela ne me dérange pas. Mais pour d’autres personnes qui souhaiteraient télétravailler, c’est une question à prendre en compte. Etre joignable oui, mais qu’on nous fournisse les outils pour.
Dans mon cas, j’ai pris ma direction un peu de court pour penser à tout cela. C’est la raison pour laquelle j’étais en période test sur le télétravail pour savoir ce qui allait et ce qui n’allait pas.
Comme je suis revenue à une absence du bureau un après-midi par semaine, le téléphone est moins problématique. J’ai ajouté à ma signature mail « En télétravail tel après-midi, contactez-moi de préférence par mail ». Je reste joignable sur mon portable personnel en cas de besoin pour mon équipe.
Les aspects négatifs de télétravail
A part les déplacements, je n’en vois aucun ! Comme je le mentionnais déjà, l’idéal serait de pouvoir télétravailler une journée complète et non par demi-journée.
Au contraire, comme je le disais, je me trouve très productive et attentive. Je prépare à l’avance une « to do list » des choses à faire l’après-midi et je respecte le cadre que je me suis fixé.
J’échange par mail avec ma responsable, mon équipe, mes partenaires quand il le faut. Au début, je le faisais de manière un peu forcée pour montrer que je travaillais vraiment et que je ne faisais pas autre chose. Mais le télétravail, c’est aussi une relation de confiance. Et sur ce point, ma responsable me connaît bien.
Je n’ai donc pas le sentiment d’être isolée du reste de mon équipe. Au contraire, mon super collègue me faisait même remarquer que j’étais plus joignable que certaines personnes présentes dans la structure.
C’est plus confortable maintenant que je n’ai plus qu’une après-midi par semaine.
J’ai l’impression de moins courir et de perdre moins de temps. Du coup, je suis moins stressée et je prends les choses de manière plus détendue.
Le fait que Ti’Loulou rentre seul me fait aussi gagner du temps. Mais si je n’ai pas fini quelque chose, je m’interromps quand même à son retour pour les devoirs, le goûter, l’amener au sport… quitte à reprendre mon travail plus tard.
Je gère mieux mon temps et les priorités dans le travail du coup. Quand je sais qu’il me reste 30 minutes avant le retour de Ti’Loulou, je ne vais pas me lancer dans la rédaction d’un compte-rendu ou d’une proposition de partenariat. Je vais plutôt me centrer sur des tâches plus rapides à traiter que je peux interrompre facilement.
Quelle suite à cette demande de télétravail ?
Après échange avec la direction générale, nous avons convenu de poursuivre ainsi sur une nouvelle période test de 3 mois.
D’ici la fin de cette nouvelle période, nous devrions avoir accès à O365. Ce sera un nouvel environnement de travail qui m’offrira davantage de confort en matière d’accès à mon espace de travail. Il me permettra également d’échanger par téléphone via certaines applications ce qui résout la question des appels sur mon portable personnel.
Je continue également sur une demi-journée. Nous verrons l’année prochaine comment nous pourrons nous organiser en fonction des jours et horaires des activités de Ti’Loulou.
Je suis vraiment très satisfaite de cette mesure mise en place. J’ai tâtonné au début pour trouver le bon rythme, pas me mettre trop de pression. Mais maintenant, j’ai pris le rythme et des habitudes de travail à la maison. Et je trouve ça très confortable.
C’est une mesure qui devrait vraiment être généralisée pour permettre une meilleure conciliation vie professionnelle – vie personnelle. Hélas, il y a encore beaucoup de réticence de la part de certaines personnes, de la méfiance, et cette culture du présentéisme bien marquée dans certains milieux professionnels.
Dans ma structure, je suis en quelque sorte la version BETA. Je teste, je corrige, je fais le bilan. Et j’espère que mon expérience va servir de « bonne pratique » et permettre à mes collègues de bénéficier à leur tour de cette mesure.
Et vous, vous avez déjà testé le télétravail ? Votre bilan est positif ou non ?