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Handicap d’un enfant et organisation familiale

Cela fait bien longtemps que je n’avais pas abordé le sujet du handicap. Depuis cette interview d’Olivia qui nous parlait de son combat pour son frère. Aujourd’hui, Emmanuelle a souhaité témoigner de l’impact du handicap d’un enfant sur son organisation familiale et sa vie professionnelle.

Décennie - temps qui passe - horloge
Crédit photo wjgomes

 

Bonjour Emmanuelle,

En quelques mots, que pouvez-vous nous dire de vous, de votre parcours, de votre activité ?

J’ai eu un parcours tout à fait classique : Bac, ensuite BTS Assistante de direction. Je n’ai jamais été super emballée par cette branche mais bon, je crois que je me suis laissée porter là où on m’a envoyée.

A la fin de mon cursus, j’ai cherché un emploi que je n’ai pas trouvé. Puis je suis partie m’installer avec mon amoureux loin de ma ville natale, dans un endroit un peu désertique ou le travail se fait rare si on a pas fait un cursus agricole. J’ai pourtant trouvé un petit emploi dans une association sportive. Très vite j’ai démissionné car je me suis retrouvée face à un supérieur qui visiblement avait un problème avec les femmes. Comme je n’aime pas le conflit, après 5 longs mois de tension et d’humiliation parfois, j’ai décidé de partir.

Je n’ai pas repris tout de suite une recherche d’emploi.

Comme je me mariais 9 mois après mon départ, je voulais me consacrer à l’organisation de la cérémonie. Ensuite je suis tombée très vite enceinte de mon premier enfant. Ce n’est pas un secret, il est très difficile de rechercher un emploi avec un gros ventre !

D’un commun accord avec mon mari, nous avons décidé que je mettrai ma vie professionnelle en pause pendant ma grossesse. Nous voulions aussi que je passe les premiers mois de la vie avec notre bébé. Malheureusement tout ne s’est pas passé comme prévu et je n’ai de fait plus pu reprendre d’activité pro depuis… celui fait 15 ans.

Mes activités sont principalement : taxi, cuisinière, gérante de conflits, aide ménagère, diplomate, AVS, aide soignante, infirmière, et bien d’autres.

Organisation familiale casse tête activités

Combien avez-vous d’enfants ?

J’ai 3 enfants, qui commencent à être grands (15 ans, bientôt 13 et 10 ans).

Avez-vous pris un congé parental après leur naissance (vous ou votre conjoint) ? Pour quelles raisons ?

Alors mon congé parental dure depuis 15 ans… Non sans rire, je ne travaillais pas au moment de la naissance de mon ainé. Très vite il nous a paru évident à mon mari et moi-même que travailler avec un enfant handicapé serait compliqué en étant loin de la famille. Même si au départ nous ne savions pas encore de quoi il retournait, on a bien vite compris que ce serait lourd.

Mon mari lui étant le seul salaire de la maison, il n’a pas été question de congé parental. Et puis pour être honnête, vu de son caractère, je ne pense pas que cela aurait été une bonne chose autant pour lui que pour ma santé mentale .

Couple femme homme
Illustration Korriganne

Est-ce que cela vous a paru difficile de trouver une place en crèche ou chez une assistante maternelle ? Pourquoi ?

Question épineuse ! Tout le monde sait qu’il est difficile de trouver une place en crèche quand on travaille, imaginez donc quand on ne travaille pas et que l’enfant est handicapé ! C’est un vrai parcours semé d’embuche qui pour notre cas n’a pas abouti.

Je n’avais pas prévu de mettre mon fils en crèche, estimant que je pouvais m’en occuper sans problème et que la place serait plus utile pour des parents qui travaillent. Mais compte tenu du handicap de mon fils (Syndrome d’Asperger pour être précise avec trouble sévère de l’attention et dyspraxie visio spatiale), l’équipe soignante qui le suit nous a intimé l’ordre de lui trouver une place en garderie, crèche ou autre pour le socialiser.

Je suis donc partie en quête de ce Graal.

Ti'Loulou heureux

Nous avons très vite laissé tomber les assistantes maternelles, aucune n’était formée à gérer les crises de notre fils et on va être honnête, l’autisme ça fait peur. Nous nous sommes tournés vers des crèches, beaucoup n’avaient pas de places libres, une a bien voulu nous recevoir. Un entretien assez désagréable je l’avoue avec notre petit bonhomme de 2 ans et demi. Il a un comportement atypique voire dérangeant pour les non initiés. C’était trop compliqué pour la structure. On nous demandait des tas de papiers, de justificatifs médicaux, d’attestations de je ne sais quoi… J’avais l’impression d’être devant ma banquière et de monter un dossier de crédit. Tout ça pour nous dire au final qu’ils ne prendraient notre fils qu’un jour par mois. Et seulement si une place se libérait et maximum 2 heures d’affilées. Il a donc fallu que je sois H24 sur mon téléphone à attendre leur coup de fil. Coup de fil que j’attends toujours d’ailleurs.

Petite parenthèse, il faut savoir que le handicap d’un enfant n’est pas compliqué que pour une place en crèche .

C’est aussi compliqué voire impossible de trouver une place en centre aéré et je parle même pas de colonie de vacances. La plupart du temps on vous dit qu’on ne prend pas les enfants avec handicap sans autre explication, d’autre fois on vous dit qu’il faut un accompagnant et qu’ils n’en ont pas et le pompon c’est quand on vous demande d’embaucher et de payer un accompagnant de votre poche pour accompagner votre enfant aux activités. A moins d’être crésus, avec un seul salaire c’est un peu compliqué.

Vos autres enfants ont-ils été en crèche ou chez une assistante maternelle ?

Non. J’avoue avoir été très refroidie par notre expérience passée et comme j’ai un peu la rancune tenace… J’ai juste eu l’aide d’une personne a domicile après un grave soucis de santé consécutif à mon dernier accouchement. Cela n’a duré que quelques mois et elle ne prenait en charge que le travail à la maison. Nous nous sommes débrouillés avec mon mari seuls et lors de mon hospitalisation qui a duré 1 mois, nous avons sollicité les grands parents. On m’a souvent reproché de ne pas laisser mes enfants à garder. Mais je reconnais que c’est mon petit plaisir à moi de les avoir auprès de moi. MAIS maintenant qu’ils sont plus grands je les laisserais volontiers mais plus personne ne les veut .

Avez-vous pu bénéficier du soutien d’une association dans vos démarches par rapport à votre fils aîné ?

J’ai recherché dans ma région des associations au début, mais vraiment chez moi je n’ai rien trouvé. Le milieu rural n’est pas très fourni en associations pour parents d’enfants autistes. Et il faut savoir que dans le monde de l’autisme, il existe de grandes différences entre un syndrome d’Asperger et un autiste sévère. Les besoins sont très différents, il est donc difficile de trouver « son bonheur ». Mais j’ai trouvé sur le net une association : EGALITED qui aide les parents d’enfant TED (troubles envahissants du developpement).  On y trouve plein de conseils sur les démarches à faire, sur les diagnostics etc…
Ils ont aussi un groupe Facebook. Mais pour des raisons de confidentialité, pour protéger l’intimité des familles, ce groupe est accessible sur proposition d’autres membres uniquement. Les membres y dispersent des conseils et des astuces sur la vie quotidienne avec un enfant TED.

Egalited - handicap d'un enfant

Comment se passe le quotidien dans votre famille ?

J’ai un mari qui travaille posté, c’est-à-dire qu’il est parfois de poste de matin, parfois d’après midi, et parfois de nuit, il est souvent là mais souvent là au lit en fait car se rythme est très éprouvant et il doit dormir dès qu’il le peut.

Je gère donc souvent tout à la maison et surtout les RDV médicaux de mon fils ainé, il a des prises en charge en semaine (moins maintenant qu’il a 15 ans), a une certaine époque, je passais ma vie dans les salles d’attentes, aujourd’hui je gère surtout les RDV au collège, à savoir que scolariser un enfant porteur d’autisme c’est une vraie galère, les professeurs ne se gênent pas pour m’appeler sur mon portable au moindre soucis, par exemple une fois, un professeur m’a téléphoné car mon fils n’était pas concentré en classe… qui a un enfant lambda et reçoit ce genre de coup de fil ? mdr Je dois donc souvent me déplacer pour gérer ce genre de petites choses, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai du aller le récupérer à l’école pour rien.

Donc la vie de famille s’articule souvent suivant l’emploi du temps de mon fils ainé.

Heureusement que ma fille et mon autre fils sont très compréhensifs. Ils sont conscients des difficultés de leur frère et se plaignent rarement de devoir passer des heures dans des salles d’attentes.

Quand mon mari est de repos, il participe activement à tout : ménage, courses, enfants sauf le linge, il déteste ça 😊. Nous sommes fusionnels avec mon mari donc quand il est là nous faisons absolument tout ensemble.

Votre employeur avait-t-il mis en place des mesures pour favoriser l’équilibre entre la vie pro et la vie perso de ses salarié-e-s ?

Alors quand je travaillais, c’était non. Je travaillais 6 jours sur 7, mon seul jour de repos était le mercredi et je devais en plus participer aux soirées organisées par l’association. Sans être payée bien sûr.

En ce qui concerne mon mari, il a des jours enfants malades et enfants handicapés. Il doit les justifier avec des attestations, mais au-delà de ça, ils ne sont vraiment pas pénibles dans son travail. Si il doit poser un jour de congé en urgence, ils comprennent la situation. Mais il s’agit d’une grande boite, j’imagine que dans une petite entreprise ce serait plus compliqué.

Avez-vous déjà envisagé de créer un blog pour parler de votre quotidien ?

J’avais commencé au début de notre parcours à écrire sur mes états d’âmes, mes pensées et la difficulté du parcours de parents avec enfant porteur de handicap. Mais a cette époque c’était tellement difficile que je n’avais pas de choses positives à dire, j’en voulais un peu à la Terre entière. Ce n’est pas ce que je voulais transmettre alors j’ai tout stoppé.

Je partage parfois mon expérience dans le groupe Egalited. Des amies me mettent également en contact avec des personnes qui débutent dans le parcours du handicap. J’essaye de les aider du mieux que je peux avec ma petite expérience.

Egalimère - Ordinateur

Si vous aviez des conseils à partager avec les autres parents, quels seraient-ils ?

J’ai envie de dire aux autres parents de profiter de ce que la vie leur offre, quelles que soient les épreuves que l’ont rencontre, il faut aimer ce que l’on a. Riez, aimez, profitez. Je pars du principe que rien n’est grave dans la vie, tout est surmontable.

Merci Emmanuelle pour ce témoignage tout en humilité et retenue, pour ces informations. 

 

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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