Au moins une fois dans votre vie, je pense que vous avez entendu ce genre de phrase concernant la mobilité et la recherche d’emploi :
« Du boulot, il y en a partout, il suffit de se bouger pour en trouver ! »
Dans la théorie, oui, il y a des territoires sur lesquels le marché de l’emploi est florissant. Mais il y a également des territoires qui présentent un fort taux d’attractivité pour leur qualité de vie où le taux de chômage est élevé.
Alors la mobilité pour trouver un emploi, d’accord, mais est-ce vraiment la solution ?
C’est à cette question qu’on essayé de répondre les expert.e.s présent.e.s lors des « Rencontres de l’emploi 2019 » organisées par Pôle Emploi à la Maison de la Mutualité le 2 avril 2019.
Je vais vous proposer un résumé des ces échanges et surtout, les idées principales à propos de la mobilité et la recherche d’emploi.
Pour Hugo BEVORT, Directeur des stratégies territoriales du Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET).
Les français sont relativement mobiles mais les zones de mobilité ont changé. Jusque dans les années 80, la mobilité se faisait essentiellement pour venir en région parisienne.
Puis, les mouvements se sont inversés pour aller davantage dans le Sud de la France, notamment jusque dans les années 1990. La tendance actuelle est plus orientée vers les bords de mer, dans le Sud-Ouest de la France.
La région Occitanie connaît notamment un fort accroissement de la population ces dernières années mais présente un taux de chômage très élevé. C’est le revers de la médaille. Un taux d’attractivité très fort, une augmentation de la population mais un bassin de l’emploi qui n’arrive pas à suivre.
Alors que faire ?
C’est le rôle des régions, des politiques publiques d’établir des corrélations entre les dispositifs déjà existants et les besoins de la population, des entreprises.
Dans certains territoires, tout ne peut pas être résolu par des incitations à la mobilité. Il est donc nécessaire de s’intéresser à la population active sur ces territoires, au marché de l’emploi, pour proposer des solutions telles que le développement des compétences, l’ajustement des compétences par rapport à l’offre d’emploi.
Pour Hervé LE BRAS, démographe, Directeur de recherche à l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques)
La mobilité a changé ces dernières années. L’arrivée massive des femmes sur le marché de l’emploi a bousculé cette mobilité. De plus en plus de couple sont composés de deux personnes qui travaillent. Lorsque l’une d’elle perd son emploi, si elle souhaite retrouver un travail, elle tient compte de la situation professionnelle de l’autre.
La mobilité ne s’envisage plus de manière individuelle car elle implique la vie du couple, de la famille.
La mobilité est également une condition de classe. Il sera plus aisé pour un.e cadre de retrouver un emploi dans un autre territoire que pour une femme en situation de monoparentalité par exemple.
Les coûts liés au déménagement, au transport, l’augmentation des temps de trajet peuvent avoir un impact fort sur l’organisation familiale et l’économie du foyer.
Il est nécessaire de prendre en compte ces facteurs avant d’envisager la mobilité résidentielle.
Selon Caroline ARNOUX-NICOLAS, Psychologue, Chercheuse sur les questions de mobilité professionnelle en lien avec le sens du travail – Laboratoire de formation et d’apprentissage – CNAM
Toute modification de l’exercice de l’activité professionnelle peut avoir une incidence sur la personne. Que ce soit une promotion, un changement de poste, une mobilité, il est nécessaire d’accompagner les personnes les personnes dans le cadre de ces changements professionnels.
Dans le cas de la mobilité géographique, il est important d’interroger la personne sur ses précédentes mobilités. Mais aussi les conditions de transports qu’elle accepte, la manière dont elle va concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale, le côté volontaire ou subi de la mobilité, son envie de déménager…
Tout cela se travaille dans le cadre de l’élaboration du projet de retour à l’emploi. Il faut que la mobilité soit envisagée mais pas forcée car elle aura une incidence sur la vie personnelle de la personne accompagnée.
La mobilité est un processus de changement qui implique de prendre des risques. Il est donc nécessaire pour la personne de bénéficier d’un accompagnement personnalisé et individualisé.
Enfin, pour Firmine DURO – Directrice des partenariats et de la territorialisation – Pôle Emploi
La mobilité est une compétence sociale qui participe à la reprise d’une activité professionnelle. C’est une question abordée dès le premier entretien avec Pôle Emploi car la mobilité va voir une incidence sur la vie personnelle de la personne.
Le rôle du conseiller ou de la conseillère Pôle Emploi est d’informer la personne sur les différentes aides et dispositifs qui existent pour la mobilité.
Les aides financières accordées peuvent permettre d’élargir le champ de la mobilité à d’autres territoires.
Comme cela a déjà été évoqué, la mobilité est une décision qui implique non seulement la personne mais sa famille. Cela se réfléchit dans le cadre des accompagnements, en informant la personne sur le marché de l’emploi, les aides à la mobilité et au logement, les acteurs qui pourront prendre le relais sur place.
Toutes ces informations et ces relais peuvent rassurer la personne et lui permettre d’envisager la mobilité comme un champ des possibles.
Ce qu’il faut retenir
La mobilité est un processus de changement qui entraîne une prise de risque. Cela doit être mesuré, pris en compte dans le cadre d’un projet professionnel mais également un projet de vie.
Il existe des aides pour la mobilité, le logement, l’accompagnement des conjoint.e.s dans la recherche d’emploi. Mais avoir des relais sur le territoire d’accueil présente aussi un facteur sécurisant pour les personnes et leur famille.
Enfin, la mobilité ne résout pas toutes les situations de chômage. Il est nécessaire de penser au développement des compétences, de développer l’offre de formation pour l’adapter aux besoins des territoires.