Fortnite, quelles limites fixer à ses enfants ?
Depuis un peu plus d’un an maintenant, nous avons régulièrement des discussions en famille à propos de Fortnite. C’est Loulou qui en a parlé en premier parce qu’il se sentait exclu des autres élèves du collège car il n’y jouait pas. Que répondre à son enfant qui se met à pleurer en disant “Mais tous les autres ils ne parlent que de ça et moi, je me retrouve tout seul !!!” face à un énième refus de ses parents. Le début d’année dernière ayant été particulièrement difficile pour Loulou, nous ne voulions pas qu’il se sente exclu du groupe alors que cela allait mieux. Alors nous nous sommes renseignés sur le jeu et l’avons autorisé à y jouer sous conditions. Nous pensions que ça suffirait mais voilà, ce jeu vidéo commence à prendre une place très, voire trop importante, à mon goût dans la tête de nos enfants.

Source : www.galerie-imagine.fr
A 12 ans, si tu ne joues pas à Fortnite tous les jours, tu as raté ta vie…
Je me pose beaucoup de question sur l’utilisation de ce jeu vidéo et les limites à mettre à nos enfants. Quand ils étaient plus petits, je ne voulais pas de console de jeux à la maison. J’avais en tête tous ces gamins (et adultes) qui passent des heures scotchés sur leur console au détriment d’autre chose. Je voulais que mes enfants s’amusent avec leurs jeux de construction, leurs personnages. Qu’ils lisent et développent leur imaginaire. Pas qu’ils soient comme des zombies devant un écran.
Mais il a bien fallu que je me rende à l’évidence : les temps changent et, à 12 ans, si tu ne joues pas à Fortnite tous les soirs, tu as raté ta vie. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les copains de Loulou. Oui, je parle de copains car il semblerait que peu de filles jouent à Fortnite dans son entourage.
Devant l’insistance de Loulou de jouer comme les copains, nous avons décidé de l’autoriser à jouer. Mais pas n’importe comment. Pas au détriment de ses devoirs, de ses activités culturelles et sportives, de nos sorties en famille. Jouer d’accord, devenir accro, non.
Les limites données à notre enfant
L’an dernier avec Loulou et Ti’Loulou, nous avions participé à un atelier sur les dangers des écrans chez les enfants. Les parents et les enfants étaient invités à parler de leur usage des écrans, des limites, des risques. Les enfants présents étaient bien conscients des risques d’addiction, du temps qu’ils pouvaient passer sur les écrans sans s’en rendre compte. Ils étaient aussi favorables à un encadrement de l’utilisation des écrans par les parents, des règles à respecter.
Fort.e.s de ces échanges, nous nous étions appuyés sur les conseils donnés par les professionnel.le.s présent.e.s pour Fortnite. Nous avons donc discuté avec Loulou pour fixer un cadre d’utilisation, notamment concernant la fréquence et la durée : uniquement le weekend, après que les devoirs soient faits, 1 heure le samedi, 1 h le dimanche.
C’est ainsi que Loulou a fait ses débuts dans le monde de Fortnite. Mais voilà, nous étions loin de nous douter à quel point ce jeu allait prendre une importance dans sa vie sociale. Surtout face à des enfants qui se retrouvent en ligne tous les soirs pour y jouer et en parlent longuement le lendemain.
Dilemme parental
Il n’y a quasiment pas eu un soir où Loulou ne soit rentré sans évoquer ses copains qui parlaient de leur partie de la veille. Et de celles du mercredi après-midi, et de celles du weekend. Nous avons beau lui expliquer qu’il n’y a pas que Fortnite dans la vie, qu’il y a le collège, le handball, le judo, la batterie… rien n’y fait, il se sent “à part des autres“. Difficile pour lui de participer aux conversations de “la meute” quand il n’a pas participé à l’action la veille.
Sans compter les réflexions “Tu joues avec nous ce soir ? Ah ben non, tu peux pas, tu vas faire tes devoirs !”. Ou “Eh Loulou, si tu avais joué avec nous hier, tu te serais éclaté. On a fait ça, et puis ça, et puis là, whouaaaaa, c’était génial !!!”. Mais aussi les “C’est qui qui pourra pas jouer ce soir ??? C’est Loulouuuuuu, parce que son Papaaaaa et sa Môman ils veulent paaaaaaas…“. Alors Loulou ne se laisse pas faire, il répond mais nous sentons bien que tout cela lui pèse.
Alors, que faire ?
L’autoriser à faire comme les autres et à jouer tous les soirs ? Faire en sorte qu’il puisse échanger avec les autres ou maintenir nos règles malgré tout ?
Encore une fois, nous avons discuté, nous avons essayé de trouver le compromis acceptable pour lui comme pour nous.
Jamais assez de Fornite…
Nous avons autorisé 1 heure de plus en semaine, le mercredi en fin de journée, moment où les autres sont connectés. De cette manière, il donne rendez-vous à ses copains à une certaine heure et ils jouent ensemble pendant le temps accordé. Le lendemain, ils peuvent débriefer, échanger, refaire la partie…
Il me semblait difficilement acceptable de l’autoriser à jouer davantage en semaine. Il termine le collège vers 16 h 30, rentre à la maison, doit faire ses devoirs et réviser ses leçons. Puis, les lundi, mardi, jeudi et vendredi, il a des activités sportives ou culturelles. Donc, pas de jeu vidéo à ce moment là sous peine de bâcler son travail personnel. Et puis, encore une fois, il n’y a pas que ce jeu vidéo dans la vie, il y a le sport, la musique, la famille aussi.
Mais même avec cette heure en plus, les autres continuent de le narguer parce qu’ils peuvent jouer tous les soirs. Tous les mercredi après-midi ou de longues heures le week-end.
Et forcément, que nous réclame Loulou ? De pouvoir faire comme les copains…
Et là, je trouve que ça va trop loin chez certains de ces enfants.
Quelques exemples :
La semaine dernière, trois copains de Loulou étaient malades le jeudi. Le vendredi, quand ils sont revenus au collège, ils étaient tous fiers de raconter qu’ils avaient joué une bonne partie de la journée à Fortnite. Parmi ces enfants, il y en a un qui a d’énormes facilités en cours. Il est très intelligent, premier de la classe. Pas de soucis pour lui. Mais les autres commencent à avoir des résultats scolaires en baisse. Manque d’attention en cours, déficit de concentration.
L’an dernier, un de ses copains a failli frapper sa mère quand elle lui a retiré la console des mains. Il ne voulait plus aller au conservatoire ni à ses activités sportives. Il ne pensait qu’à Fortnite jusqu’à ce que sa mère trouve que ça allait trop loin. Elle était inquiète face à cette addiction de son enfant et bien démunie pour trouver des solutions. Elle avait donc participé au même atelier que nous et pu remettre un cadre.
Dans les copains de Ti’Loulou, 9 ans, ils sont déjà très nombreux à y jouer depuis un an ou plus. Mais ce jeu est classé “Pegi 12” ce qui signifie que son contenu n’est pas adapté aux enfants de moins de 12 ans. Oui, je fais attention à ça. Si cette classification existe, c’est bien pour avertir les parents de l’adéquation ou non par rapport à l’âge des enfants non ?
Alors bien sûr, tout ne se passe pas comme ça dans toutes les familles. Certains enfants et parents semblent bien gérer l’utilisation des jeux vidéos. Mais quand je vois le temps que peut y passer Loulou et les discussions qui ne tournent qu’autour de Fortnite, ça me dérange et m’alerte.
Trouver le juste équilibre avec Fortnite
Il est très difficile de trouver le juste milieu, de laisser nos enfants jouer pour partager des moments avec les autres sans que cela ne tombe dans l’addiction.
Accorder du temps d’écran d’accord mais sans que cela se fasse au détriment du travail à faire à la maison. Sans que cela ne le mette dans un état de stress ou l’empêche de trouver un sommeil de qualité. Et sans que cela n’affecte ses facultés de concentration et ses résultats scolaires.
Le laisser jouer mais qu’il conserve également l’envie d’aller pratiquer ses activités sportives et culturelles, les sorties en famille.
Nous voulons toutes et tous le meilleur pour nos enfants mais nous sommes toujours tiraillé.e.s entre l’envie de leur faire plaisir et les limites à poser.
On essaie, on a l’impression de se planter, on lâche du lest mais on tient le cap malgré tout.
Pour conclure, je n’ai pas de solution. Nous y allons à tâtons et je cherche toujours ce qui semblerait être la meilleure manière d’encadrer l’utilisation de Fortnite.
Alors si vos enfants y jouent aussi, à quelle fréquence ? Quelles sont les règles que vous avez mises en place ? Comment gérez-vous les temps de jeu et les autres temps de vos enfants (devoirs, activités…) ?
A LIRE EGALEMENT :
Sur le blog E-Zabel, une working maman parisienne, pas parfaite (et tant mieux !) : https://www.e-zabel.fr/faut-il-les-laisser-jouer-a-fortnite/
Ici, fortnite a été le déclencheur de l’autonomie chez mon garçon ! La règle : il peut allumer la console une fois qu’il est douché,que son sac est prêts pour le lendemain et son linge est rangé, que la totalité des devoirs de la semaine sont faits, et si les notes sont acceptables. Un exercice oublié, un exposé mal fini, une mauvaise note a cause d’une leçon mal apprise, et la sentence est irrévocable (#denisbrogniart). Ici, ça a été bénéfique ! Il joue un peu chaque soir quand il n’a pas d’activite, le week end c’est complètement autorisé. C’est dingue comme ce jeu est un véritable réseau social, et effectivement, les copains qui ne jouent pas sont automatiquement exclus. Je trouve ça assez violent. Les parents doivent savoir ajuster leurs principes à cette nouvelle génération qui ne joue plus beaucoup aux jeux de societe, tout en étant vigilants car les risques d’addiction sont bien réels !
Merci beaucoup pour ton retour. Nous nous engageons finalement dans la même voix que toi avec les règles et les sanctions irrévocables (j’adore le #denisbrogniart).On tâtonne encore mais on va y arriver !
Bonjour,
Mon neveu a 12 ans et il y joue aussi. Ses parents veille au grain et il a des plages autorisées pour y jouer. Les devoirs avant tout le soir.
Bonne journée 🙂
C’est ce que j’essaie de faire comprendre à Loulou, les devoirs avant tout. Mais entre jouer et travailler, son choix est vite fait. D’où la nécessité de remettre du cadre et de trouver le meilleur équilibre pour qu’il ne se sente pas exclu et continue à bien travailler en classe. Mais ce n’est pas facile.
Je n’en suis pas encore là (et n’en serais peut-être jamais, avec mes 3 filles), mais je trouve ton article assez éclairant et effrayant sur la dualité auxquels nous poussent ces jeux, qui finalement repoussent nos propres limites et notre propre conception des choses. Je ne cesse aussi de m’étonner de l’absence totale de règles chez certains…Et je trouve intéressant ce que raconte Agnès, c’est une façon très positive de détourner la chose mais je me doute que ça ne doit pas fonctionner chez tous les enfants!
C’est bien cela qui est compliqué, ce qui fonctionne avec un enfant, une famille, ne fonctionne pas forcément pour un autre. Quand nous avons autorisé Loulou à jouer après avoir fait ses devoirs, nous ne pensions pas qu’il les bâclerait en 5 minutes pour passer plus de temps sur son jeu. Son cousin, au contraire, passe le temps nécessaire aux devoirs et régule son temps d’écran en fonction du temps restant. Tant qu’il a de bons résultats scolaires, les règles s’appliquent avec ses parents mais si résultats en baisse ou comportement inadapté, changement de cap. Cela fonctionne donc très bien chez eux mais pas avec Loulou.
Je n’ai pas d’expérience avec Fortnite, mais j’en ai une avec l’usage du téléphone portable avec ma fille aînée (classe de 4e). Elle a eu pendant plusieurs années un téléphone portable à clapet tout pourri, et nous a tannés pour avoir un smartphone. On a accepté. Résultat : temps infini passé à envoyer des messages dans les groupes whatsapp, à regarder des vidéos sans intérêt sur youtube… Et notes en baisse. On lui a confisqué le smartphone pendant 2 mois. Et miraculeusement elle s’est mise à rebosser. Depuis, elle sait qu’elle doit faire attention et que je n’aurai aucun état d’âme à lui confisquer de nouveau si nécessaire. Elle n’a pas le droit d’avoir son portable avec elle le soir, et parfois je lui fais une petite cure de désintox temporaire et je l’oblige à lire.
J’ai adopté les mêmes règles pour les dessins animés, pour les petits : à la première crise pour en regarder plus, c’est le sevrage total, jusqu’à ce qu’un comportement raisonnable revienne.
On voit bien en tant qu’adultes à quel point nous sommes accros à nos téléphones. On ne peut pas demander à un enfant d’être plus raisonnable, de lui-même, que nous.
Au-delà de ça, je crois qu’il y a deux choses importantes à prendre en compte : 1/, tous les enfants n’ont pas le même potentiel addictogène aux écrans. 2/, en même temps que l’on régule les écrans, il est important d’apprendre à nos enfants qu’on n’est pas obligé d’être un mouton et de faire comme tout le monde, et que les relations humaines sont plus passionnantes que les jeux vidéos. Mais avec un garçon, cette dernière approche est sans doute plus compliquée.
De mon temps, ce n’était pas les écrans qui te faisaient intégrer un groupe, c’était les vêtements Chevignon et Co. Moi j’en ai un peu souffert car j’étais exclue sur ce plan, mais en même temps, cela m’a permis d’acquérir une indépendance d’esprit. Tout a un prix 🙂
Merci pour ce retour.
C’est vrai que tous les enfants n’ont pas les mêmes comportements vis à vis des écrans et que si ce n’était pas le jeu, il y aurait sans doute d’autres choses pour regrouper ou exclure. Mais, comme vous le dites si bien, il faut réussir à se détacher de tout cela et d’en faire une force. Apprendre à répondre, ne pas se laisser influencer, trouver d’autres centres d’intérêts…
Mon fils de 9 ans (comme le tien) passe beaucoup de temps sur l’ordinateur surtout quand je suis pas là (facilité pour papa grrr). Il ne joue pas a fortnite mais a minecraft et autres jeux mais peut aussi jouer sur word (comme maman il pense a etre secrétaire ). Après il aime bien aussi les jeux de société. Je limite le temps d’écran, il joue aussi sur le téléphone de papa et peut installer en peu de temps beaucoup de jeux pour les tester…
Comme je le disais, c’est difficile de trouver la bonne limite mais tu sembles très bien le faire.
Ma fille ainée utilise pas mal son ordi depuis ses 9-10 ans aussi. Elle joue pas mal (bon, pas à fortnite j’avoue, ni à des jeux de tir, plutôt des jeux de rôles, de gestion, ou des jeux narratifs), mais elle utilise word aussi (elle écrit un livre), et la tablette graphique.
Une vraie geekette dans l’âme.
Cela ne l’empêche pas de beaucoup lire à côté, et jusqu’à présent, il n’a pas été utile de limiter artificiellement l’usage des écrans.
Il faut dire aussi qu’elle n’a pas de téléphone portable, et que nous n’avons pas non plus de télévision.
Bonjour. Je découvre votre article et votre blog et je voulais juste vous remercier. Même problème que beaucoup avec mon fils de 10 ans pour Fortnite et depuis peu son portable ( jeux sur le portable, vidéos Youtube qui me consternent de débilité ! Tiktok etc..) Je me suis inspirée de votre article et des différents commentaires pour poser un cadre à partir de la rentrée scolaire. J’espère que cela fonctionnera .Merci en tous cas