Aujourd’hui, j’ai envie (et sans doute besoin) de venir pousser un coup de gueule, un GRRRRR, un #ouatoufoc et #merdachier. De lancer un hastag « Paye ta précarité face au cancer ».
Ce qui me met en colère ?
La médecine à deux vitesses.
Oui, vous savez, vous avez de l’argent, vous êtes bien soigné.e.s, vous bénéficiez des meilleurs traitements, les délais d’attente sont courts puisque vous passez par les consultations privées.
Vous n’avez pas d’argent, bah, la faucheuse se frotte les mains en se disant qu’elle vous attendra moins longtemps que les autres.
Pourquoi je vous parle de ça ?
J’ai déjà évoqué ici la situation de ma sœur, celle que j’appelle ici ForzaZazou. Elle est atteinte d’un mal qui la ronge de l’intérieur, un myélome multiple. Wikipédia ou Google seront vos amis pour en savoir plus.
Il s’agit d’une forme du cancer du sang qui ne se guérit pas. Au mieux, les traitements permettent de repousser l’échéance en attendant que les chercheurs et chercheuses trouvent le GRAAL contre cette saloperie.
C’est donc avec une épée de Damoclès au dessus de sa tête qu’elle vit au quotidien.
Round 3, même joueuse joue encore
Je mets un peu d’humour dans ce billet parce que de l’humour, elle n’en manque pas ma super-héroïne de sœur. Et croyez-moi, ce n’est pas facile tous les jours de garder le sens de l’humour quand on voit les difficultés liées à la maladie. En premier lieu, la précarité. J’y reviens après.
Il y a quelques semaines, le verdict est tombé : récidive et donc, round 3 à venir. Troisième chimio pour être plus claire.
C’est donc parti pour les rendez-vous médicaux dans un institut de cancérologie qui se trouve à 40 km de chez elle. Des examens à faire, des bilans à envoyer et l’attente du protocole.
Premier protocole
L’oncologue de l’institut qui la suit lui propose un traitement d’attaque. Traitement qui lui ferait perdre une nouvelle fois ses cheveux, mais surtout, qui lui bousillerait encore plus le foie et les reins. Et oui, ses organes sont affaiblis du fait des précédentes chimios, autogreffe et compagnie.
Donc, si elle suit ce traitement, elle vivra contrainte de se rendre 2 fois par semaine à l’hôpital pour une dialyse. Chouette programme hein !
Elle refuse, demande un deuxième avis médical sur le traitement. Rendez-vous est pris dans le premier hôpital qui l’avait suivie.
Deuxième protocole : bienvenue dans la médecine à deux vitesses
Premier rendez-vous avec une oncologue qui lui propose de rencontrer LA spécialiste du myélome de l’hôpital.
Encore quelques semaine plus tard, enfin, elle rencontre cette spécialiste qui n’y va pas par 4 chemins. Les traitements précédents n’ont pas donné les effets escomptés. Donc, il va falloir reprendre la chimio.
Ma sœur qui participe à des groupes de discussions entre malades parle d’un traitement qui semble faire ses preuves. Mais il ne lui sera pas prescrit, c’est un traitement de 4ème intention, elle en sera à son 3ème.
Elle évoque alors un autre traitement et là… Il ne lui sera pas prescrit non plus car il n’est plus produit.
Il coûte trop cher et les hôpitaux seront bientôt en rupture de stock.
Ok… Bon, elle ne se laisse pas abattre et évoque un autre traitement dont elle a aussi entendu parler. Ce traitement aurait l’avantage de minimiser les effets secondaires de la chimio.
Même topo, de bons résultats mais trop cher, arrêt de la fabrication.
Elle va donc bénéficier d’un traitement, moins cher, pris en charge, dont les effets secondaires seront à priori minimes. Pas de perte de cheveux mais des conséquences sur le foie et les reins quand même.
Bien sûr, elle pourrait bénéficier de traitements expérimentaux en se rendant sur Paris de manière régulière. Ou même dans un pays limitrophe de la France où elle pourrait bénéficier des traitements de 4ème intention.
Oui, elle pourrait. Mais elle n’en a pas les moyens financiers…
Paye ta précarité pour te soigner !
C’est donc la première chose qui me met en rogne. Si elle avait de l’argent, elle pourrait bénéficier des meilleurs traitements.
La deuxième chose, c’est qu’en prévision de la chimio et des effets secondaires, il lui est donc vivement conseillé de prendre des compléments alimentaires.
Malade, elle est dans l’incapacité de travailler. Elle doit faire reconnaître son « invalidité » de manière régulière pour pouvoir toucher sa pension. On ne sait jamais, des fois que le myélome disparaisse par enchantement (rire jaune).
En attendant que le dossier passe en commission, elle doit quand même payer ses charges fixes : loyer, électricité, bouffe, essence, assurances, mutuelle, etc…
A cela, elle doit ajouter des compléments alimentaires parce que son corps s’affaiblit.
Compléments alimentaires non pris en charge par la sécurité sociale parce que considérés comme « de confort« . Bah oui, prendre soin de son foie, de sa circulation sanguine (dès qu’elle se cogne, elle a des hématomes sur le corps), c’est du confort.
Et puis prendre de la vitamine C, de la spiruline ou de l’aloe vera, ce n’est pas allopathique. Ce n’est donc pas prescrit par le médecin mais conseillé. Et donc… non remboursé.
Ah oui, je ne parle pas non plus de l’état de sa peau qui nécessite une hydratation intense. Il lui faut donc des crèmes ou des huiles de marque ceci ou cela. Mais là encore, les prix de ces produits ne lui permettent pas de se les acheter.
On lui recommande aussi de faire attention à son alimentation. Manger bio, sans pesticide, des laits végétaux… Hélas, même si les supermarchés proposent des produits à des prix bas, le bio reste plus cher.
Je suis à deux doigts d’ouvrir une cagnotte
Sait-on jamais, hein, si 200 000 euros pouvaient venir sur son compte en banque en même pas une heure. Cela lui permettrait de se soigner en bénéficiant de ces traitements auxquels elle ne peut avoir droit parce que trop chers. Ou pas disponibles en France.
Elle pourrait aussi s’acheter les compléments alimentaires naturels dont elle a besoin. Des soins pour sa peau. Bien manger.
Mais en attendant, quand la maladie vous entraîne dans la spirale infernale de la précarité, vous n’avez pas les moyens de vous soigner.
Je prends l’exemple de ma sœur parce que c’est celui qui me touche de près. Mais combien sont les personnes qui sont dans la même situation ??? Celles à qui on dit :
Il y a un traitement qui pourrait vous permettre d’aller vers une rémission mais vous avez perdu au loto de la vie. Vous êtes pauvre, il n’est pas pour vous. Passez votre tour ou revenez nous voir quand vous aurez gagné à la loterie nationale…
Voilà ce que me met en rogne aujourd’hui. Cette impression qu’on va laisser mourir des gens parce que les maintenir en vie coûte trop cher. Tous ces compléments alimentaires qui sont nécessaires mais qui coûtent chers. Cette médecine à deux vitesses qui permet aux plus riches de se soigner mais aux autres de se résigner.
Dis donc, Egalimère, tu n’avais pas dit que tu allais choisir tes combats pour alléger ta charge mentale ?
Oui, mais là, ce n’est pas mon combat, c’est celui que vivent au quotidien de nombreuses personnes.
C’est celui de tous ces gens qui se retrouvent isolés, sans ressource, sans soutien financier.
Celles et ceux qui doivent choisir entre se soigner, acheter des compléments alimentaires ou payer leur loyer et conserver leur logement.
Toutes ces personnes qui ne savent pas vers qui se tourner pour bénéficier de soutien dans leurs démarches administratives, les demandes d’allocations, de pension.
Ces malades qui savent qu’il existe un traitement qui pourraient les soigner, leur permettre de repousser l’échéance, mais qui ne peuvent pas en bénéficier parce qu’ils n’en ont pas les moyens.
Etre malade, ce n’est pas un choix. C’est un calvaire, un parcours du combattant, un plongeon dans la précarité.