You are currently viewing Je ne veux pas y aller #10dumois

Je ne veux pas y aller #10dumois

« Je ne veux pas y aller !!! Je ne veux pas y aller !!! » dis-je en suppliant ma mère. Mais rien n’y fait, elle me tire par la main et me force à avancer. C’est elle qui a pris ce rendez-vous pour moi et je suis morte de trouille. J’ai entendu ma sœur m’en parler, mes copines, mes cousines… Elles ont toutes le même discours et le même souvenir de ces moments passés entre ces 4 murs.

Silent Sunday 24 - streetart - tête de mort

Punaise, je ne veux pas y aller

Mais ma mère continue à me tirer par la main, bien décidée à m’y emmener moi aussi. J’ai la boule au ventre, la gorge sèche, les mains moites… Je ne veux pas vivre cette horreur, pas envie qu’on me force à m’asseoir et encore moins ressentir cette douleur.

J’ai envie de supplier ma mère de me laisser m’enfuir mais voilà que nous arrivons à destination. Elle se présente et décline mon identité. Une personne nous invite à patienter dans une grande salle froide et blanche.

Assise sur ma chaise, je les entends ces bruits. Ils me font frissonner jusqu’au plus profond de mes entrailles. J’ai la chair de poule rien qu’à les entendre et tout mon corps se raidit. Je triture un morceau de tissus de la jupe que je porte. J’essaie de penser à autre chose, de faire partir mon esprit dans ce monde imaginaire dans lequel je me sens si bien.

Je regarde ma mère du coin de l’œil et j’ai envie de lui faire des grimaces, de lui tirer la langue. Comment peut-elle me faire subir ça à moi aussi ? Est-ce que je suis obligée d’y passer ? On ne peut pas attendre quelques années ou revenir plus tard, quand je me sentirais prête ?

Chat potté - Je ne veux pas y aller

Soudain la porte s’ouvre

Ma mère se lève et va saluer l’homme qui vient d’entrer. Je me raidis encore plus. C’est bien lui, il est exactement comme me l’avait décrit ma sœur. Ma respiration s’arrête en même temps que mon cœur s’emballe dans ma poitrine.

Il faut que je trouve un moyen de m’échapper là, tout de suite… La fenêtre est fermée alors le temps que je l’ouvre, ils auront vite fait de me rattraper. Ma mère se tient dans l’encadrement de la porte, elle m’empêchera de passer. Réfléchir, vite. Trouver une solution, rapidement… Mais je vois bien que je suis prise au piège, que jamais je ne réussirai à sortir d’ici sans y être passée.

Je suis face au mur, je ne peux pas reculer, je ne peux pas m’enfuir… Ma mère me prend la main et je sens toute sa douceur et son amour dans ce geste. Elle me dit quelques mots pour me rassurer, que ça va bien se passer, que le Monsieur a l’habitude, que ça ne fait pas mal et que ça ira surtout mieux après.

Je la supplie du regard. Non Maman, non, je ne veux pas y aller. S’il te plaît Maman, ne me laisse pas avec lui… Je sais ce qu’il va faire, les autres m’en ont parlé. Elles m’ont raconté qu’elles avaient eu mal pendant et après. Alors s’il te plaît Maman..

Mais rien n’y fait et nous entrons dans cette pièce qui me glace aussitôt le sang. Sous les indications de ma mère, je m’assieds sur le fauteuil froid et j’attends.

L’homme s’approche de moi. Je ferme les yeux. Je ne veux pas le voir, pas l’entendre… Mais quand il me demande de le laisser faire, je me résigne. Mes mains agripent le fauteuil et je m’exécute…

Prendre la parole sortir de sa coquille
Crédit photo @Nana Cam Photo

Quelques années après

« Je ne veux pas y aller Maman, non s’il te plaît, je ne veux pas y aller !!!! » s’écrie mon enfant alors que je le tire par la main. Je me sens si mal de lui faire subir ça à mon tour. J’ai encore tellement en tête ce moment, ces bruits, cette douleur que je m’en veux. Oui, je m’en veux de lui faire croire que tout va bien se passer, que le Monsieur a l’habitude, que ça ne fait pas mal. J’aurai voulu lui épargner ce moment mais elle arrive à l’âge où il faut le faire. Comme ma mère l’a fait avant avec mes soeurs, avec moi, j’accompagne ma fille chez cet homme. Pourquoi toujours le même alors que je pourrais l’amener ailleurs ? Parce qu’il connaît notre famille, parce que je suis en vacances avec ma fille chez ma mère à ce moment là.

J’essaie tant bien que mal de la rassurer mais moi-même, je n’ai pas envie de rentrer dans cette pièce. Entendre ces bruits derrière la porte me glace toujours autant le sang.

La porte s’ouvre et je le revois, lui. Il n’a pas changé, il est toujours aussi impressionnant. Mes jambes ont envie de m’emporter loin d’ici, de courir vite, très vite, loin, très loin…

Quand il s’approche de moi, j’ai un mouvement de recul. Je ne veux pas y aller… Non, je ne veux toujours pas y aller, pas entrer dans cette pièce, pas envie de voir mon enfant subir ce que j’ai subi cette fois là. Une nouvelle fois, je suis face au mur, je ne peux pas reculer, pas m’enfuir.

Mais il faut que je sois forte, courageuse. C’est pour son bien me dis-je en boucle dans ma tête, elle ne va pas souffrir, ça va bien se passer et ça ira mieux pour elle après…

Je sens le regard de l’homme posé sur moi. Soudain, il me sourit puis regarde mon enfant et lui demande :

«  Après toutes ces années, ta Maman, elle a toujours aussi peur du dentiste ?  »

 

C’était ma participation au rendez-vous #10dumois sur le thème « Je ne veux pas y aller »

Et je ne veux toujours pas y aller chez le dentiste 😉 Cela fait plus de 2 ans que je vais d’acte manqué en acte manqué et que « j’oublie » de prendre rendez-vous…

Est-ce que ce thème aura inspiré les autres participant·e·s ? Cliquez sous les liens ci-dessous pour aller découvrir leurs publications.

On se retrouve le moi prochain sur le thème « Quand vient la nuit ».

Si vous aussi vous avez envie de participer, toutes les informations sont là : https://egalimere.fr/2018/01/les-themes-10dumois-2018.html

Thèmes 10dumois 2018 - Egalimère - Silent sunday 88

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

Cet article vous donne envie de réagir, laissez un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.