« Il y a quelqu’un ? Est-ce que vous m’entendez ? Répondez ! Est-ce que quelqu’un m’entend ??? »… Voilà plusieurs jours maintenant que j’erre entre ces maisons aux volets clos. Pas un bruit, pas une âme qui vive. La solitude commence à me peser et j’ai peur de devenir folle. J’ai des crises d’angoisse incontrôlables, je pleure, je crie. Mais où sont-ils tous passés ?
Ma vie d’avant
Il y a encore quelques mois, je vivais en région parisienne, dans un petit studio car je n’avais pas les moyens de vivre dans la capitale. Je travaillais dans le 15ème arrondissement et, comme des millions des gens, j’empruntais les transports en commun matin et soir. Le RER, le métro… Ça grouillait de monde partout, des gens pressés, des hommes en costume-cravate, des SDF.
J’adorais mon métier, mon équipe, mes conditions de travail. Parfois, le soir, nous allions boire un pot ensemble après le travail. Jamais longtemps pour ne pas rater le dernier train qui me ramenait chez moi.
J’avais une vie sociale et sportive bien remplie. Je jouais dans un club, j’entraînais les plus jeunes, les accompagnais sur des tournois. Ce club, c’était un peu comme une deuxième famille mais de celle avec laquelle on choisit de passer une partie de sa vie.
Et puis, il y a eu ce virus…
Au début, tout le monde s’en moquait. On pensait qu’il s’arrêterait aux frontières comme on nous l’avait dit à la télé. Et puis, non. Il a commencé à frapper fort. Les gens tombaient les uns après les autres, les hôpitaux ne pouvaient plus faire face. La panique a commencé à gagner la population.
Les gens se sont rués dans les supermarchés pour faire des provisions, les pharmacies ont été prises d’assaut. Il fallait trouver le moyen de se protéger, de survivre et c’est à ce moment là que les gens ont commencé à devenir agressifs. Ils se battaient pour un paquet de pâtes ou de la farine, des œufs. L’instinct de survie parait-il. Vivre ou mourir. Se battre voir tuer pour se sauver.
Et puis, il y a eu un début de restriction. Les gens sont devenus comme fous. Des vitrines ont été brisées, des banques saccagées, des restaurants pillés.
Ce monde me terrorisait. Je ne pouvais plus aller travailler parce que j’avais trop peur de me retrouver dans une émeute, d’être une victime collatérale de ces affrontements pour la survie.
Alors, profitant d’un moment de flottement dans les directives gouvernementales, j’ai fui la capitale. Je suis allée me réfugier dans cette maison familiale où nous nous retrouvions tous les ans mais qui était inoccupée à ce moment là.
La fuite
J’ai mis quelques affaires dans un sac, de quoi tenir quelques semaines, juste l’essentiel et je suis partie, de nuit.
Il ne fallait pas que je croise les habitants parce qu’ils avaient déjà rejetés les personnes venant de la capitale. Ils les soupçonnaient d’être porteurs du virus et de venir le propager dans leur espace protégé.
Ma plus grande crainte était donc de me faire repérer alors je restais cloîtrée, les volets clos, sans faire le moindre bruit.
Certes, je vivais comme une recluse mais je n’étais pas la seule. Tout le monde avait été confiné. Interdiction de sortir. Le virus faisait des ravages et les morts se comptaient à présent par milliers.
Je me sentais plus ou moins en sécurité dans cette maison. J’avais de quoi me nourrir pour plusieurs semaines, je ne risquais pas de croiser qui que ce soit, j’étais loin de la capitale maintenant. Passés les 15 premiers jours, je savais que je n’avais pas attrapé le virus mais je devais continuer à être vigilante.
des livres, un lecteur de musique mp3.
Sortir me manquait. Voir du monde me manquait. Mais pour ma sécurité, il fallait que je reste recluse.
Insupportable solitude
Au début, j’avais de quoi m’occuper entre la tonne de livres amassés dans la bibliothèque, des menus travaux d’entretien de la maison, de la musique grâce à mon MP3.
Mais, au bout d’un moment, ce confinement m’a fait perdre la notion du temps. Vivre dans le noir tout le temps, dormir quand j’en sentais le besoin, lire, manger… J’avais un accès très restreint aux informations car nous étions dans une zone blanche. Internet n’est pas arrivé jusqu’à nous.
Je ne sais pas combien de semaines se sont écoulées mais cette solitude devenait insupportable, cet enfermement me rendait folle.
Alors, un soir de trop plein de solitude, je suis sortie faire quelques pas devant la maison. Seuls les bruits de mes pas raisonnaient dans la nuit noire. Je n’osais pas respirer à pleins poumons alors que j’avais envie de me remplir d’air frais, de sentir toutes ces odeurs qui m’avaient tant manquées.
Le lendemain, j’ai commencé à entrouvrir les volets du haut
De là, j’avais une vue sur le village qui se trouvait un peu au loin. Tous les volets étaient clos, même en pleine journée. Et puis, tout était si calme, si silencieux. C’est là que j’ai commencé à paniquer. Où sont les gens ? Est-ce qu’ils sont reclus eux aussi ?
Alors je suis sortie en courant et en criant « Il y a quelqu’un ? Est-ce que quelqu’un est là ? ». Mais mes mots s’envolaient dans les airs sans trouver le moindre écho. Personne. Il n’y avait plus personne.
Je passais devant les maisons, je frappais aux portes mais personne ne répondait. Je hurlais « Répondez !! Si vous êtes là, répondez ! Ouvrez-moi !!! Sortez !! Mais où êtes-vous ?? Il y a quelqu’un ? ». Mais aucune réponse. Rien. Le silence et la solitude.
Je marchais sans but dans la rue principale, les yeux brouillés par mes larmes, sans savoir où aller. Je pleurais, je hurlais, mais personne ne m’entendais. J’étais seule et je ne savais pas où les gens étaient passés. Est-ce qu’ils étaient tous morts ?
Et si tout le monde était mort, partout, sauf moi ?
Si j’étais la seule survivante à ce virus ? Comment savoir si mes amis étaient encore en vie ? Mes collègues, les jeunes du club ? Et si j’étais condamnée à la solitude pour le restant de mes jours ?
Soudain, mes jambes se sont dérobées et je me suis effondrée à même le sol. Je me suis mise à pleurer, à hurler… Un cri bestial est sorti de ma gorge, un cri viscéral tant j’avais peur face à ce nouveau monde inconnu et vide, si vide…
Je tremblais de tous mes membres et je n’arrivais plus à me contrôler.
« Je suis là, je suis là… Calme-toi, tout va bien hein, tout va bien… ». Cette voix familière m’apaise et me rassure. Je sens des bras qui m’entourent et me serrent doucement, puis une main qui passe dans mes cheveux et des baisers qui se posent sur mon front.
Tout va bien.
Je suis chez moi, dans mon lit avec mon mari, mes enfants qui dorment dans les chambres voisines. Comme de nombreuses personnes pendant cette période de confinement, je fais des crises d’angoisse parce qu’on ne sait pas ce qui se passe. On ne sait pas combien de temps ça va durer, si le virus va disparaître ou devenir encore plus virulent, combien de nos proches seront touchés, combien seront morts…
Alors, chaque nuit, c’est la même chose. Mon inconscient me ramène à mes peurs premières. Mes nuits ne sont que cauchemars et angoisse face à la peur de perdre des êtres qui me sont chers, la peur de l’inconnu, la peur de la solitude…
Rassurez-vous, tout ceci n’est qu’une fiction rédigée pour le rendez-vous #10dumois sur le thème « Solitude ».
Est-ce que ce thème « Solitude » vous a inspiré.e.s ?
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