L’été approche et voilà que fleurissent les articles, publicités, affiches, publi-reportage qui me font grincer des dents. Maigrir, mincir, perdre du poids, dégommer la cellulite, avoir un ventre plat. C’est parti pour la saison de la culpabilisation des femmes, l’injonction au corps parfait. Alors, comment demeurer dans un esprit « Body Positive » quand tout est fait pour nous inciter à changer d’apparence physique ?
Un corps imparfait, mais pour qui ?
Pendant des années, je n’ai laissé aucun répit à mon corps pour essayer de plaire à l’homme avec qui je vivais. Régimes, fringues sexy, talons hauts, décolletés plongeants, maquillage à outrance. Tout pour essayer de ressembler à Pamela Anderson, Loana à la sortie de Loft Story, Barbie ou autres « femmes fatales » pour lui plaire.
Pourquoi m’infliger tout ça ? Parce que, si je ne lui plaisais pas, il me dénigrait, me rejetait, ne me regardait plus ou alors avec dégoût et me traitait comme la pire des merdes.
J’étais sous emprise, persuadée que je ne valais rien, que je lui devais tout, que je ne m’en sortirai jamais sans lui.
Il avait marqué dans mon esprit que j’avais une dette éternelle envers lui tant il avait œuvré à faire de l’adolescente que j’étais la femme que j’étais devenue.
Pendant des années donc, j’ai intégré que mon corps n’était pas parfait, que je n’étais pas parfaite. Il y avait tant de choses qu’il voulait changer en moi que j’ai perdu la possession de mon corps et de mon esprit.
Body Positive
Il m’en a fallu du temps pour trouver un semblant de paix avec mon corps. Beaucoup de temps. Quasiment 18 ans.
Oui, quasiment parce qu’aujourd’hui encore, il m’arrive de vouloir tailler mes fesses à la hache. Régulièrement, j’ai envie de reprendre un régime à la con qui me fera perdre 3 kilos en une semaine. Kilos que je reprendrais bien évidemment dès que mon alimentation deviendra un peu plus riche.
Alors, quand j’ai découvert le « Body Positive », j’étais béate d’admiration devant ces photos affichées sur les profils Instagram. J’étais subjuguée par ces corps sublimés et mis en valeur, ces regards fiers et forts de femmes de tous horizons.
Je les trouvais belles, courageuses, affirmées et invincibles.
Elles prenaient le pouvoir sur la société qui veut nous imposer des corps hors-normes.
J’avais très envie d’être comme ces femmes et bien décidée à faire du Body Positive mon mantra moi aussi.
Oui, je voulais réussir à exposer mon corps, porter des vêtements qui me plaisent sans avoir peur du regard des autres. J’avais très envie de crier « mais je vous emmerde vous et vos diktats !« .
J’ai surtout envie d’envoyer chier définitivement cette petite voix qui revient encore trop souvent dans ma tête avec ses mots durs : « gros cul », « tu me dégoûtes », « mais regarde-toi un peu, putain, tu fais pas envie ! ».
Mais je n’y arrive pas.
Derrière nos corps, il y a nos histoires de vie
C’est bête mais c’est comme ça. Je crois que mon corps et mon esprit sont définitivement marqués par ces 16 années de violences conjugales.
Mais je vais nettement mieux depuis ces 4 dernières années. Je ne me pèse plus tous les jours, je ne m’inflige plus de régime draconien, je prends plaisir à mettre du vernis à ongle… Et pourtant, je sais que je reste « à risque » pour le restant de ma vie.
Il suffira d’une réflexion, d’un événement, d’un geste, un bruit, un vêtement, une odeur de parfum pour être soudainement en proie à mes vieux démons. Dans ces moments là, je perds toute confiance en moi, je me sens nulle, moche, inutile, incapable de m’assumer, sans valeur aux yeux des autres…
Dans ces moments là, ne me parlez pas de « Body Positive » parce que je ne vous entendrai pas.
Mon esprit sera bien trop englué dans les profondeurs du mal-être pour entrevoir toute forme de bienveillance et de soutien.
Ce combat quasi-quotidien vers le bien-être, le body positive, nous sommes plusieurs à le mener. Il est long, semé d’embûches, de victoires et de défaites.
Mais petit à petit, nous avançons, nous progressons et nous savourons ces moments de calme et de sérénité dans nos esprits malmenés. Et chaque jour qui passe nous emmène un peu plus loin dans notre reconstruction, vers un avenir qui ne pourra être que meilleur.
Ne l’oublions jamais !