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Et si c’était possible #10dumois

Je me souviens très bien m’être demandée « et si c’était possible ? » en me réveillant ce matin là. Je venais de faire un rêve réellement apaisant et réconfortant et me réveiller m’avait ramenée à ma réalité. Ma triste réalité à laquelle je ne pouvais plus échapper. J’aurai bien prolongé ce rêve de quelques minutes, quelques secondes encore. Juste pour être dans cette bulle de bien-être, dans ce calme et cette sérénité que m’inspiraient les lieux. Mais avant même d’ouvrir les yeux, je l’entendais respirer à mes côtés. Mes poils se sont dressés sur tout le corps, mes muscles se sont tendus, ma respiration s’est faite plus courte. Et si c’était possible d’échapper à tout ça finalement ???

 

La veille, j’avais encore essuyé des reproches. 

La journée qui m’attendait le lendemain était chargée et le réveil à 5 h 30 pour être à 7 h 30 au travail risquait encore d’être compliqué. Je crois que la dispute avait dû partir de là, quand j’ai annoncé que j’allais me coucher tôt. Il me reprochait de ne pas être assez fun, de le frustrer parce que je ne voulais pas sortir le jeudi soir en boîte, que je devenais une vieille aigrie avant l’heure. Mais j’avais une boîte à faire tourner moi, sa boîte en plus. Je devais être présente de l’ouverture à la fermeture et bien après pour faire les comptes de la journée, signer les derniers formulaires, éteindre toutes les machines avant de partir.

Alors non, le jeudi soir, je ne voulais pas faire nuit blanche et enchaîner sur une journée de boulot. Je n’en avais plus la force, plus l’envie. Contrarié, il avait commencé à me reprocher ce manque d’entrain et avait vite basculé sur le manque d’envie de lui faire plaisir. Il a dévié sur mes tenues, mon poids, ma « frigidité » puisque je n’avais plus envie de faire l’amour avec lui. Je me sentais moche, nulle, moins que rien…

Alors, comme à mon habitude dans ces moments-là, j’avais fouillé dans le meuble du salon et extrait la bouteille de rhum vieux que j’avais vidé de quelques longues gorgées. L’esprit anesthésié, je m’étais roulée en boule sur le fauteuil du salon pour regarder une émission, ou un film, un truc à la télé en tous cas. Je ne voulais plus penser à rien, je voulais juste vider ma tête de ces mots, de mon mal-être, ravaler mes larmes.

Il s’est allongé sur le canapé comme si j’étais invisible à ses yeux, il a choppé la télécommande et a zappé sur le programme qu’il voulait regarder. Si je n’avais pas encore compris qui était le maître à bord de ce navire en plein naufrage, il venait de m’en donner un autre exemple.

Je me suis levée et je suis partie me coucher. J’ai eu du mal à trouver le sommeil tant tous ces mots tournaient en boucle dans ma tête.

Prendre la parole sortir de sa coquille
Crédit photo @Nana Cam Photo

Et puis je me suis retrouvée là

Au bord d’un lac bordé d’arbres dont les feuilles jaunissantes se réfléchissaient dans l’eau. Les rayons du soleil donnaient à l’ensemble une atmosphère douce et chaleureuse. J’avançais en touchant chaque tronc d’arbre comme pour en absorber l’énergie avant de repérer une souche dont les branches plongeaient dans l’eau. Je me suis approchée d’elle et de là, la luminosité était encore plus douce. Alors j’ai enjambé la souche pour m’asseoir sur elle à califourchon, face au lac et j’ai fermé les yeux. Une légère brise venait caresser mon visage, les odeurs de terre et de pins arrivaient à mes narines et j’emplissais mes poumons de cet air si pur. J’ai ressenti une présence, une force bienveillante à côté de moi.

Lorsque j’ai ouvert les yeux, elle était là, assise en face de moi et me souriait. Isabelle. Son prénom prenait soudain des allures de fée comme dans les comptes pour enfants. Son visage était doux et dégageait quelque chose de paisible, de rassurant. Elle a posé ses mains sur les miennes et m’a demandé comment je me sentais. J’ai voulu lui mentir, lui dire que tout allait bien, que ma vie était belle sous le soleil des tropiques.

Illustration Les créas de Nono

Mais je n’ai pas pu.

Je ne pouvais pas mentir dans cet endroit. Si nous étions là toutes les deux, si nous nous retrouvions à cet endroit précis, c’était bien pour une raison. J’allais parler, lui dire tout ce que je gardais en moi, toutes ces choses qui me rendent si triste, si malheureuse. Lui raconter les mots durs, les envies de partir mais la peur des conséquences, la voiture que j’avais envie de laisser tomber dans un ravin avec moi au volant pour en finir.

Les vannes du secret s’étaient ouvertes et se déversaient dans un flot ininterrompu de paroles. Elle écoutait sans bouger, sans m’interrompre, sans hocher de la tête. Quand j’eu finis, elle dit juste « Ça va aller… ».

anonymat - bulle - coucher de soleil
Crédit Photo : @Nana Cam Photo

Ça va aller et puis quoi maintenant ?

Est-ce qu’elle allait venir me sauver d’un coup de baguette magique ? Avait-elle une formule magique pour me ramener avec elle à la maison ? Pourquoi juste « Ça va aller » ? Ça n’avait pas de sens cette phrase à moins que… A moins que cela signifie que j’avais beau vouloir cacher à la face du monde que je sombrais dans la dépression, elle savait que j’allais m’en sortir. Elle le sentait dans sa chair, dans son sang parce que c’est le même qui coule dans nos veines. Je me suis sentie apaisée, entendue, écoutée et plus si seule que je le pensais.

Ce n’était qu’un rêve et pourtant, tout semblait si vrai, si réel. Cette lumière, cette chaleur, sa présence rassurante, cet endroit, ces arbres… J’aurai voulu prolonger ce moment, rester encore dans cette ambiance si douce et si sereine, cette parenthèse dans le temps. Hélas, j’étais réveillée…

Quand je l’ai entendu respirer à mes côtés, mon corps a parlé. Mes muscles se sont raidis, ma mâchoire s’est serrée, ma gorge s’est nouée. J’étais dans une attitude de défense immédiate, prête à bondir hors du lit. Et c’est ce qui s’est passé quand il s’est tourné face à moi et qu’il a voulu se coller à moi. J’ai eu ce mouvement de recul, ce réflexe de me reculer d’un bond, de m’éloigner de son corps pour ne pas sentir ses mains sur le mien. J’ai eu un sentiment de dégoût, de rejet tout entier de lui.

Illustration Korrig’anne

Et si c’était possible ?

On parle souvent de « déclic » dans la prise de conscience des situations de violences ou de danger. Je me suis demandé si c’était possible que cet endroit soit porteur de significations, ces arbres, cette lumière. Et puis sa présence à elle aussi, si rassurante, si douce, si sereine, ses mots, ce « Ça va aller ».

Alors est-ce possible que ce rêve ait été un déclic ? Une première étape dans la prise de conscience qui m’a permis de mettre des mots sur les maux ?

Il a fallu d’autres déclics, du temps, beaucoup de temps même, de l’aide, du soutien, mais au final, je suis partie. Et c’est ça que j’ai envie de transmettre aujourd’hui. Parce que si c’était possible pour moi, cela signifie que c’est possible pour d’autres. Il suffit parfois d’un déclic, d’une main tendue, d’une bonne rencontre, de pousser la porte d’une association…

Est-ce que le thème « Et si c’était possible  » vous a inspiré ? 

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On se retrouve le 10 février pour un nouveau rendez-vous #10dumois sur le thème « Je n’ai rien oublié »

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Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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