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Quand vient la nuit #10dumois

C’est un moment que j’aime bien le soir, quand vient la nuit. Le ciel qui se pare de ses couleurs chatoyantes, la luminosité qui change, l’effervescence de la rue qui se calme. Pendant que je me presse pour aller prendre le train qui me ramènera chez moi, certains flânent en quête d’un cadeau de dernière minute pour un·e proche, une bouteille de vin ou un gâteau pour le repas du soir. D’autres prennent leur temps, assis·e·s aux tables du bistrot du coin.

J’aimerai flâner moi aussi, prendre du temps pour moi, boire un coup avec mes collègues mais je ne peux pas. Parce que, quand vient la nuit, cela signifie que ma deuxième journée commence…

Organisation familiale casse tête activités

Quand vient la nuit…

Comme tous les soirs ou presque, j’ai fini le boulot à 17 heures sous un énième « Bah alors, tu as pris ton après-midi » lancé par Michel, le responsable de la communication.

Je ne peux plus le supporter celui-là ! Je n’en peux plus de ses remarques à propos de ma jupe qui me fait un beau petit cul. Ou de la fameuse blague en réunion « Tiens, Marie, puisque tu es la seule femme ici présente, tu nous servirais pas un p’tit café ! ».

Sexisme pas notre genre - Silent Sunday 31

Sans compter ses refus de m’envoyer en formation parce que je devrais encore m’absenter alors que je reviens d’un congé maternité.

Pourtant, je m’investis dans mon travail. Mais voilà, moi, à 18 h 30, je dois être à la maison pour m’occuper des enfants. Je ne peux pas venir avec Stéphane, Luc, André prendre un verre au bistrot du coin à parler de la campagne pour tel ou tel client.

Je sais que c’est dans ces moments que se joue l’évolution de carrière, la promotion, la petite prime qui sera versée. Mais les réunions après 18 heures, impossible pour moi comme la plupart des femmes dans mon entreprise d’ailleurs.

Non, à la place de ce moment informel ou chacun va faire progresser sa carrière, je deviens la cheffe de mon entreprise familiale.

C’est que j’ai une espèce d’usine à faire tourner entre la gestion des stocks (les courses), les conditions d’hygiène (les bains), les plannings prévisionnels (les rendez-vous à prendre), les tâches administratives (lez devoirs), la comptabilité  (les comptes), la production (repas, lessive).

Avec les années et l’expérience, j’ai réussi à « optimiser mon temps » et même à progresser en matière d’organisation. Pendant que Paul fait ses devoirs, hop, je donne le bain aux filles. Puis Léa révise ses leçons alors que Juliette prends son repas. Je la laisse ensuite quelques instants dans son parc installé près de la cuisine et je prépare le dîner. Cela fait quelques temps que j’ai arrêté de vouloir être une mère parfaite qui prépare du bon et du frais tous les soirs. Je ne sais pas comment font les autres mères qui bossent mais moi, je vais au plus vite.

Puis j’installe la table en répétant une bonne dizaine de fois aux deux grands de participer.

C’est pas encore gagné puisque Paul a déjà intégré que ce sont aux femmes de s’occuper de la maison et des enfants.

Merci l’école, les copains, les dessins-animés, les publicités ! Ou est passé mon petit garçon qui s’amusait avec les déguisements de princesse de sa sœur ? Tombé dans les oubliettes de l’insouciance et rattrapé par les stéréotypes.

C’est généralement à ce moment-là qu’arrive Michel, épuisé par ses longues journées de travail et le temps passé dans les transports en commun. Il embrasse Juliette et je vais la mettre au lit.

Enfin, je peux poser mon derrière sur une chaise et profiter de ce repas en famille pour souffler un peu. Mais le repos est généralement de courte durée entre le sel à aller chercher, le verre d’eau qui se renverse, le morceau de viande à découper.

A la fin du repas, opération commando pour le brossage des dents des enfants, le pipi, l’histoire du soir et zou, au lit !

Quand enfin tout est calme à la maison, que chaque enfant dort paisiblement, j’ai envie de m’affaler sur le canapé et mater une série.

Mais je suis souvent rappelée à l’ordre par le bip-bip du sèche linge qui a fini son programme. Alors je me relève et je vais plier le linge.

Parfois, je jette un coup d’œil à Michel assis à son bureau en train de corriger les copies de ses élèves. Il fronce les sourcils, son stylo rouge s’agite, il note quelque chose. Lorsque les copies seront corrigées, il sortira ses livres et préparera les cours du lendemain. Il faut vraiment être passionné par son métier pour y passer tant d’heures.

Moi aussi j’étais passionnée par mon métier et j’y ai passé de nombreuses heures.

Je me voyais gravir les échelons, prendre des responsabilités. J’en ai essuyé des remarques sur mes envies d’enfants, mes congés maternité. Alors il était hors de question de prendre un congé parental pour ne pas être mise sur la touche.

Mais j’ai rapidement compris qu’entre mes collègues masculins et moi, il y aurait toujours un obstacle que je n’arriverai pas à franchir. Cet obstacle invisible qu’on appelle le plafond de verre.

Alors, quand vient la nuit, je me dis que j’ai quand même la chance de vivre dans un pays de droits et d’égalité des chances, même si le chemin à parcourir est encore long pour parvenir une égalité réelle entre les femmes et les hommes…

Infographie Egalimère égalité 8 mars

C’était ma participation au rendez-vous #10dumois d’octobre sur le thème « Quand vient la nuit ».

Est-ce que « Quand vient la nuit » aura inspiré des participant·e·s ??? 

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Et on se retrouve le mois prochain pour un nouveau rendez-vous #10dumois sur le thème « Fais moi peur ! » 

Thèmes 10dumois 2018 - Egalimère - Silent sunday 88

 

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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