CAP Petite Enfance, après l’annonce, nos propositions
C’est une annonce qui fait beaucoup parler d’elle : proposer aux parents de valider leur expérience par un CAP Petite Enfance. Il y a celles et ceux qui sont favorables et il y a celles et ceux qui s’insurgent. Hier, j’ai pas mal échangé sur les réseaux sociaux avec « les 2 camps » sur cette proposition. Chacun·e y va de son avis, avec ses arguments, son ressenti, son expérience. Et pourtant je retire de ces échanges, parfois virulents, des idées constructives pour permettre un retour à l’emploi des parents après un congé parental. Ces propositions ne vont pas concerner les parents salariés du public ou du privé ayant pris un congé parental. Elles concernent les parents éloignés de l’emploi, sans ou avec peu de qualification ou expérience professionnelle.
[EDIT du 24/07/2017 : la mise au point de Mme Marlène Schiappa sur cette proposition à lire ICI]
Voilà, j’ouvre donc ce billet un peu comme j’ouvre la boîte à expression : chacun·e peut proposer ses idées et on en discute. L’objectif est de faire des propositions qui permettent de prendre en compte les différents freins au retour à l’emploi des parents en congé parental. Ouvrir la réflexion, le champ des possibles…
Pourquoi, quand on parle des personnes en congé parental, on pense d’abord aux femmes ?
Devinette : quelle est la proportion de pères qui prennent un congé parental pour s’occuper des enfants ? Réponse : 3 % !!!
Alors oui, les mesures proposées pour permettre un retour à l’emploi doivent concerner les parents. Mais ces parents sont majoritairement les femmes. Et oui, elles sont 97 % à prendre un congé parental… Elles sont aussi 27 % à réduire ou suspendre leur activité professionnelle à l’arrivée du premier enfant (72 % à l’arrivée d’un 3ème enfant).
Autre point à ne pas oublier : les familles monoparentales et les personnes en situation de précarité sont majoritairement les femmes.
La méconnaissance du congé parental
Ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux me laisse penser qu’il y a un manque cruel d’information sur le congé parental ! Voici quelques exemples d’idées fausses :
- « Déjà, si on veut l’égalité, qu’on accorde aux hommes le droit de prendre un congé parental ! » (elle est belle celle-là non ?)
- « Mon mari voulait bien prendre un congé mais il n’avait droit qu’à 6 mois avec la réforme… » (sic !)
- « Je suis au chômage alors je n’avais pas le droit au congé parental »
Bon, alors déjà, il n’est écrit nulle part que le congé parental est un congé réservé aux femmes ! Le congé maternité oui. Tout comme le congé paternité est réservé aux hommes.
Mais le congé parental peut être pris par la mère, par le père et même les deux ! Oui, oui, il existe différentes formes de partage du congé parental. Je vous laisse consulter le site de la CAF et ces dépliants ICI et LA.
[RAPPEL] : ne pas confondre congé parental et indemnisation du congé parental ! Je vous invite à relire ce billet ICI
A propos des diplômes de la Petite Enfance
Proposer une VAE dans le secteur de la petite enfance pourquoi pas. Mais être parent ce n’est pas être professionnel de la petite enfance comme le soulignent différentes personnes. C’est ce point qui fait polémique auprès des professionnel·le·s de la petite enfance.
Ce qui est beaucoup revenu dans les échanges, c’est ce principe que mère au foyer = capable de s’occuper de tous les enfants. Or, ce n’est pas parce qu’on s’occupe de nos enfants qu’on est en mesure de s’occuper des enfants des autres. Quand on devient parent, on apprend « sur le tas », au jour le jour, dans notre environnement.
Un·e professionnel·le de la petite enfance doit suivre un programme de formation qui comprends différents modules. Par exemple, le CAP Petite Enfance proposé par l’AFPA :
- Prévention santé et environnement
- Prise en charge de l’enfant à domicile
- Accompagnement éducatif de l’enfant
- Techniques que services à l’usager
A moins d’avoir suivi déjà suivi la formation, si on proposait aux parents de passer les épreuves du CAP directement, le taux de réussite ne devrait pas être très élevé… Si les parents souhaitent suivre une formation dans le domaine de la petite enfance, il faudrait leur en offrir la possibilité. Les informer sur les formations à distance, les possibilités de financement, etc… Obtenir une équivalence de diplôme semble compliqué en l’absence de compétences et connaissances dans le domaine.
Pour l’instant, seul·e·s les professionnel·le·s de la petite enfance ayant suivi une formation et obtenu un diplôme ou un agrément sont aptes et habilité·e·s à s’occuper des enfants.
La démarche de VAE
Ensuite, pour valider une expérience, la démarche est assez longue et complexe (à titre d’exemple, pour un CAP Petite Enfance lire cet article)
Un premier livret à remplir qui reprends le parcours de la personne en lien avec la certification demandée. Il s’agit de la demande de recevabilité. Le certificateur va s’assurer que vos expériences sont bien en lien avec le diplôme que vous souhaitez obtenir.
Un deuxième livret si votre demande est acceptée. Il s’agit de décrire dans le moindre détail toutes vos connaissances, compétences, aptitudes en rapport avec le diplôme.
Un entretien devant le jury pour expliquer ce que vous avez mis dans le livret 2 et vérifier la validité de vos propos.
Ensuite, soit vous obtenez la validation totale (le diplôme) soit une validation partielle (il faut repasser des modules) soit vous êtes recalé·e…
Donc, si vous n’avez pas acquis les différentes connaissances et compétences exigées pour obtenir le diplôme, vous pourrez présenter une demande de VAE mais l’obtiendrez-vous ???
Et si on proposait autre chose que le secteur de la petite enfance ?
Je crois que c’est cette proposition qui a le plus fait parler. Pourquoi proposer aux mères de rester dans un secteur où les emplois sont déjà majoritairement occupés par les femmes ? Est-ce qu’une mère au foyer ne va pas développer d’autres aptitudes comme le bricolage, l’investissement dans des activités culturelles ou sportives ? Quid des intérêts professionnels et des motivations ?
Toutefois, cette idée reflète bien ce qui se passe déjà sur certains territoires. Prenons l’exemple d’une femme qui souhaite reprendre une activité professionnelle après s’être consacrée à l’éducation de ses enfants. Elle s’adresse à un organisme qui accompagne les demandeurs d’emploi. La personne qui la reçoit l’interroge sur son parcours et lui demande quelles sont ses compétences. Comme la femme vient de passer un certain temps à s’occuper de ses enfants, elle pense que ce sont là ses compétences. Bingo, voilà qu’on lui propose d’aller travailler dans ce secteur.
Mais qu’en est-il de ses autres connaissances et compétences ? Et si on creusait un peu plus loin dans les accompagnements ? Et si les personnes qui accompagnent les demandeurs et demandeuses d’emploi commençaient aussi par travailler sur leurs propres stéréotypes ?
Bref, élargissons le choix des possibles pour les femmes et les hommes !

Image Ozez Le Féminisme
Quelles sont les mesures qui peuvent être proposées alors ?
Rien de révolutionnaire, hélas ! Mais ce qui ressort et que je trouve intéressant :
Informer
- relancer des campagnes d’information sur le congé parental : non, il n’est pas réservé aux femmes, il peut être partagé par les deux parents, les conditions de l’allocation…
- informer les parents sur les droits au congé paternité, au congé parental, aux différentes possibilités de partage du congé parental, à son indemnisation…
- mettre en avant les bonnes pratiques de partage de congé parental,
Agir sur les territoires
- développer les structures d’accueil petite enfance (et oui, encore et toujours) pour les parents en recherche d’emploi mais toutes les familles en ayant besoin,
- améliorer l’offre de formation sur les territoires parce que vouloir se former à un métier, c’est super. Mais si la formation n’est pas proposée sur le territoire, comment la suivre, comment y accéder, comment concilier sa vie de famille et sa formation ?
- créer des structures d’accueil des jeunes enfants dans les centres de formation ou à proximité afin de permettre aux parents ne bénéficiant pas de mode de garde de pouvoir suivre la formation
Lutter contre les inégalités et les stéréotypes
- expérimenter un congé paternité dont la durée serait égale à celle du congé maternité (impact sur la prise de ce congé, implication des pères dans la parentalité ?)
- lutter contre le présentéisme des hommes au travail,
- encourager et développer les mesures en faveur de l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle
- poursuivre les efforts en matière d’inégalités salariales : si un père ne prend pas le congé parental, c’est souvent pour éviter une diminution des revenus de la famille
- agir dès la petite enfance pour lutter contre les idées sur les rôles des femmes et des hommes (stéréotypes)
- favoriser la mixité des métiers et faire en sorte que la vision des métiers ne soient plus sexuée
- mieux former les professionnels de l’accompagnement vers l’emploi sur les stéréotypes et l’élargissement des choix professionnels. Lutter contre la vision stéréotypée des métiers « vous êtes une femme, vous êtes faites pour vous occuper des autres ou faire du social ». Ou encore « Vous êtes un homme, vous êtes fait pour les métiers physiques ou le management »…
Accompagner les parents en congé parental
Proposer un réel accompagnement « insertion professionnelle » des parents en congé parental :
- les aider à faire le point sur leurs connaissances et leur compétences
- travailler sur leurs intérêts et leurs motivations
- cibler les freins à l’emploi et définir les moyens de les lever
- élargir les choix professionnels : quels sont les métiers qui leur font envie, comment y accéder ?
- élaborer un parcours de retour à l’emploi qui soit réaliste et réalisable
- les accompagner dans la mise en œuvre du projet
- envisager des modes d’accompagnement innovant (suivi à distance, skype) quand les parents ne peuvent pas se déplacer
- ouvrir la possibilité aux parents en congé parental à suivre des formations,
- proposer aux parents en échec ou rupture scolaire de suivre des cours de remise à niveau qui peuvent être nécessaire pour reprendre une formation,
- permettre aux parents en congé parental de bénéficier des périodes de mise en situation en milieu professionnel afin de se rendre compte de la réalité des métiers, des conditions d’exercice, des compétences requises.
Si vous avez d’autres idées, n’hésitez pas à les ajouter dans les commentaires de cet article !
top ma belle, pour avoir participé à cette discutions, je trouve ton article complet et intéressant.
Merci Olivia. Maintenant, si vous souhaitez être mentionnées dans l’article, n’hésitez pas à me le dire hein !
j’avoue que je n’ai pas suivi le ou les débats sur cette proposition, je ne sais même pas si mon commentaire aura un véritable intérêt, mais je le fais quand même hein 😉
l’un des freins à sens à l’insertion ou réinsertion professionnelle des personnes en congé parental, reste le pb de la garde des enfants : pourquoi, dans un monde idéal, ne pas faire fi de cette problématique? pourquoi Pole emploi ou autre organisme de formation ne prévoit il pas la mise en place de moyen de garde proche des lieux de formation, durant la durée de la formation, aux horaires de la formation pouvant permettre à chaque personne de prétendre à une formation qui lui conviendrait plutôt de lui faire valider quelque chose qu’il ne souhaite pas nécessairement.
L’absence de choix de cette « pré-proposition » est ce qu’il y a de plus choquant : prendre le problème par le petit bout de la lorgnette en laissant de côté la réalité des difficultés éprouvées par les parents prenant un congé parental… c’est dommage…
Stéphanie je suis entièrement d’accord avec vous !
C’est le problème de la France !
On prend toujours le problème du mauvais sens !
Tous les commentaires auront un intérêt dans le sens où ils vont permettre d’apporter d’autres idées, d’autres réflexions.
Le mode de garde est vraiment problématique pour les personnes en recherche d’emploi ou qui souhaitent suivre une formation. Cela serait l’idéal d’avoir une crèche dans un centre de formation. Je vote pour !
Je suis abasoudie quand j’entends de jeunes mamans avec un nouveau-né me dire : » maintenant que je suis maman je veux quitter mon poste de … (ingénieur par exemple) et devenir EJE comme toi c’est trop super de s’occuper des enfants quel beau métier ! »
Euh hein quoi ?! Ces parents ne connaissent pas la réalité ni la face cachée du terrain. Ils s’imaginent que nous jouont toute la journée !
D’ailleurs combien sont-ils le matin à nous dire en partant : » amusez-vous ien ! »
Oui biensur !
Avec toujours plus d’enfants et moins de professionnels compétents qualifiés et motivés, les RTT les maladies les parents et les administrations toujours plus exigents….
D’abord qu’ils viennent passer une semaine sur le terrain en période de grippe-gastro payé au lance pierre et ensuite on en reparle !!
Je vais ajouter dans l’article cette proposition de « stage d’immersion en milieu professionnel ». Souvent, entre l’idée que les gens se font d’un métier et le métier tel qu’il est pratiqué, il y a un écart monstre. Je prends l’exemple d’infirmière car j’avais accompagné une femme qui souhaitait exercer ce métier parce que « c’est un beau métier, on soigne les gens, on leur apporte du réconfort… ». Elle n’avait pas conscience que ce métier impliquait aussi des horaires décalés, des toilettes des patients, d’être confronté à la mort… Bref, passer une semaine ou 15 jours avec un.e professionnel.le de la petite enfance est une très bonne idée pour montrer la complexité et les compétences requises pour exercer ce métier.
Un bien bel article qui reflète la réalité de notre société 🙂
Il faut prendre le temps de lire les articles et ne pas s’arrêter aux grands titres. J’ai trouvé ça dommage que les échanges soient si virulents mais je pense que de nombreuses personnes ont pris Marlène Schiappa en grippe et qu’elles ne laissent du coup rien passer. Il y avait de quoi proposer des solutions et c’est ce que j’ai voulu reprendre dans cet article. Il a été transmis à Paroles de Mamans qui portera la parole des unes et des autres auprès de la Ministre.