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Jolie bouteille, sacrée bouteille…

Je me souviens de cette chanson que nous chantions en colonie de vacances : Jolie bouteille, sacrée bouteille, veux-tu me laisser tranquille, je veux te quitter, je veux m’en aller, je veux recommencer ma vie… 

Bien sûr, je n’en comprenais pas les paroles. J’étais jeune, je n’avais jamais bu un verre de vin, pas encore pris ma première cuite. Et puis, bien des années plus tard, j’ai rencontré le chemin de la bouteille…

Normandie feu de cheminée bouteille

Brisons le tabou de la bouteille !

Jusqu’à présent, je n’avais abordé qu’à demi-mots ma rencontre avec la bouteille (relire ICI). J’avais très envie d’en parler mais j’avais peur. Oui, peur du jugement des autres, peur des réactions, peur de la violence des mots qui pourront suivre… Parce qu’une femme qui boit, c’est encore tabou. C’est moche. Ce n’est pas quelque chose qu’on a envie de voir ni d’en entendre parler. Ce n’est pas de cette manière qu’une femme doit régler ses problèmes. Non, elle doit en parler avec ses copines, aller consulter un psychologue, entreprendre une thérapie ou prendre des anti-dépresseurs… Mais pas se jeter sur la première bouteille venue pour oublier, ne serait-ce que quelques instants, sa condition.

Tristesse

Mais voilà, aujourd’hui, je saute le pas et j’ose en parler et vous raconter comment, petit à petit, j’ai glissé dans ce besoin d’anesthésier mes pensées avec de l’alcool.

De la première cuite à la bouteille quotidienne

Comme (presque) tous les jeunes gens, j’ai expérimenté les soirées dites arrosées, notamment pendant mes années d’études. Cela faisait partie du rituel de la sortie en boîte du vendredi ou samedi soir. On faisait le fond de nos poches, on mettait l’argent en commun et on payait à un prix fou la bouteille de whisky qui allait nous permettre d’entrer en boîte et d’y passer la soirée.

Il y a eu les soirées chez les un.e.s et les autres. Parfois trop alcoolisées. De celles qui vous donnent un mal de crâne pas possible et vous retournent tripes et boyaux. Ces lendemains matins où vous vous dites « Oh là là, plus jamais… » comme dans la chanson de Tryo. Mais vous oubliez vite les bonnes résolutions dès le vendredi soir venu.

J’ai donc pris quelques belles cuites en attendant de connaître mes limites. Vous savez, ce dernier verre qu’il ne faut pas boire sous peine de sombrer dans le côté obscur de la fin de soirée…

Et puis je suis entrée dans la vie active.

Je travaillais et vivais en couple. Nous participions encore à des soirées avec des ami.e.s et on s’éclatait bien. Nous avons déménagé pour aller nous installer très loin au soleil. En apparence, j’avais tout pour être heureuse. En apparence seulement.

Sous les apparences, la dépendance 

En réalité, je vivais dans une pseudo vie de couple dans laquelle je n’avais qu’un rôle à jouer. Ma vie avait commencé à m’échapper sans que je m’en rende compte. Je ne prenais plus de décisions. Je n’avais pas mon mot à dire sur la manière de m’habiller ou de manger.  C’est lorsque j’ai réalisé que les barrières autour de moi s’étaient refermées que j’ai commencé à boire. Oui, boire pour supporter une situation qui ne me convenait pas mais dans laquelle je me sentais prisonnière.

Quelle échappatoire s’offrait à moi alors que le poids de l’emprise me maintenait dans cette relation de couple néfaste ? Voilà comment j’ai sombré petit à petit vers la dépendance. Cela a commencé par un petit verre en rentrant le soir pour me donner du courage. Puis un autre pour supporter les réflexions. Encore un pour éviter de penser. Un dernier avant d’aller me coucher pour m’abrutir et ne plus penser…

Jour après jour, les quantités ont augmenté et comme la bouteille de vin n’était plus assez forte, je me suis mise au rhum. Blanc ou vieux, peu importe, du moment qu’un minimum de 40 chevaux me permettait de mettre du coton dans ma tête pour la soirée et d’oublier.

Alcoolique du soir

Ce qui peut paraître étrange, c’est que je ne ressentais pas le besoin de boire dans la journée. Au contraire, je continuais à soigner les apparences. Je souriais au travail, je donnais l’illusion que tout allait bien dans ma vie. Comme pour mon poids  je cachais ce secret dont je n’étais pas fière du tout. Je pense que mon entourage était loin de se douter que ma meilleure amie le soir venue était la bouteille. Et oui, je donnais l’illusion d’une vie parfaite.

Et pourtant, dès que je remettais un pied chez moi, l’appel de la bouteille était le plus fort. En préparant le repas, j’anticipais déjà le fil de la soirée. Il allait rentrer, faire une réflexion et je pleurerai. Nous allions nous mettre à table. Il mangerait en contrôlant ce que j’avalerais puis il irait s’affaler sur le canapé. Je me mettrai sur le fauteuil pour regarder la télé pendant qu’il s’endormirait. J’irai me coucher et il viendrait me rejoindre, requinqué par son repos et il aurait envie de m’aimer. Mes larmes couleraient parce que moi, j’avais cessé de l’aimer et que je rêvais de liberté. Alors, telle un automate, je me dirigeais vers mes cachettes et sortait une bouteille pour me servir un verre. Puis un deuxième. Et un troisième…

Comment ne s’est-il rendu compte de rien ? Je ne sais pas. Avait-il un problème d’odorat pour ne pas sentir mon haleine ? Était-il à ce point enfermé dans son propre monde qu’il est passé à côté des bouteilles que je prenais soin de cacher ? A-t-il à un moment donné soupçonné que je buvais ? Il m’a toujours dit que non et qu’il ne s’en revenait pas d’avoir découvert ces cadavres dans les placards après mon départ…

Jolie bouteille, sacrée bouteille

Cela a duré près de deux ans jusqu’à ce que ma vie prenne un autre tournant. Après mon départ, j’ai dû apprendre à me reconstruire, à rassembler des bouts de moi que j’avais perdu en cours de route.

Quand j’ai réalisé que je venais de passer plus de 15 ans à côté de ma vie, j’ai culpabilisé.

Mais comment avais-je pu passer autant de temps à supporter tout ça ? Pourquoi est-ce que je n’avais pas réussi à partir avant ?

Toutes ces questions qui font partie du processus pour sortir de la domination et de l’emprise. C’est dur. Très dur et le moment n’était pas opportun pour dire au-revoir à mon amie la bouteille.

Je buvais moins, certes, mais tous les soirs quand même. Pour m’aider à oublier. Alors oui, j’aurais pu prendre ces cachets que me conseillait le médecin. Mais, vous allez rire (ou pas), je ne voulais pas tomber dans la dépendance aux médicaments. Parce que dans ma tête, je n’avais pas encore compris que j’avais développé une dépendance à l’alcool.

Veux-tu me laisser tranquille ?

Même si je savais au fond de moi que mon rapport avec la bouteille n’était pas normal, je ne me l’avouais pas.

La prise de conscience est venue d’une petite remarque lancée au cours d’une soirée il y a un peu plus de 10 ans. Une petite phrase anodine qui a fait sourire tout le monde.

Cette phrase qui disait que j’étais la seule fille capable de s’enfiler une demi-bouteille de rhum sans finir la tête dans les cuvettes des toilettes…

Et oui… Triste palmarès et grosse prise de conscience : je bois et je bois trop.

Il était donc grand temps de dire au-revoir à la bouteille !

Je veux recommencer ma vie…

Je sais bien qu’on ne recommence pas sa vie, on la continue. Mais je voulais d’une autre vie, une vie plus seine, plus sereine.

Alors je suis entrée dans un processus de reconstruction.

J’ai déjà pris conscience que je buvais trop, de manière encore quasi quotidienne. Alors j’ai arrêté les petits apéros de fin de journée et j’ai supprimé tous les alcools forts de ma vie.

J’ai repris le sport.

Dans les soirées, j’écoutais le conseil que j’avais souvent entendu : un verre de vin, un verre d’eau. Cela permet de mieux contrôler sa consommation et limiter les effets de l’alcool.

Mais je crois que le vrai déclic pour arrêter de boire, ne serait-ce qu’un verre de vin, a été ce moment où deux petits traits roses sont apparus sur mon test de grossesse.

Test grossesse - Egalimère

Ma plus belle victoire ? Après deux grossesses et deux allaitements, je peux vous assurer que mon taux de résistance à l’alcool a fortement baissé. Un verre de vin et je suis déjà pompette !

Un équilibre fragile

Pourtant, je sais que je peux vite retomber dans les travers. Quand je suis énervée, stressée, ce n’est pas d’une cigarette dont j’ai envie (parce que oui, j’ai aussi arrêté de fumer).

L’appel de la bouteille est fort mais je sais maintenant que je peux résister et trouver des moyens de le contourner. Je vais m’aérer, je vais crier, je vais courir, je me mets à écrire.

Mais je crois aussi que j’ai enfin réussi à libérer ma parole et m’autoriser à parler de ce qui ne va pas. Alors quand ça ne va pas, je vais en parler avec mon mari, avec mon âme sœur, avec quelqu’un.

Pour autant, je n’ai pas renoncé à ouvrir une bonne bouteille. Mais ma manière de la consommer est bien différente. Finies les descentes « cul-sec » pour vite m’abrutir. Au contraire, j’ai appris à déguster le vin, à en apprécier chaque gorgée.

Et puis, ouvrir une bonne bouteille de vin est devenu synonyme de partage et de convivialité.

L’objectif n’est plus de brouiller mes pensées mais bien au contraire, de profiter de ce moment. De vivre pleinement l’instant présent et savourer ce bonheur d’avoir tourné une page dans ma vie…

Freedom

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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