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By Erika

Oh, ça va, c’est une fille qui t’a frappé !

Mercredi, 13 h 30. Je récupère mon fils de 9 ans 1/2 à la sortie de l’école. Il passe devant un petit groupe et jette un regard furtif à une des fille présente. Elle le fixe, échange quelques mots avec les autres avant d’éclater de rire, suivies par ses copines.

Mon fils baisse le regard, rentre la tête dans ses épaules et me rejoint en pressant le pas. Quelque chose ne va pas, je le vois à son air triste et son attitude. Alors je demande :

– « Ça va Loulou, ça s’est bien passé ce matin ?

Ben, moyen…

Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu t’es fait gronder par la maîtresse ? Tu n’avais pas appris ta leçon ? Pas fait tous tes devoirs ?

Non, c’est Cendrillon*… Je m’amusais avec Geoffroy*, on se courrait après. Elle est venue jouer avec nous mais Geoffroy* l’a faite tomber. Elle lui a couru après pour le taper et après, je sais pas pourquoi, elle est venue derrière moi, elle m’a attrapé par le col. J’ai entendu « crac », je crois qu’elle a déchiré mon t.shirt mais tout de suite après, elle m’a frappé très fort et j’ai eu très mal. Regarde, j’ai encore la marque de sa main ! »

En effet, il tire sur le tissus de son t.shirt pour me montrer son épaule où on voit distinctement les traces d’une main. Je pense « La vache ! Elle a dû frapper fort !« . Il continue :

-« Elle m’a fait vraiment mal et j’ai pleuré. Mais quand je lui ai dit, elle m’a demandé si je voulais qu’elle me tape encore alors j’ai voulu le dire aux animateurs.

Tu as bien fait mon cœur. Et qu’est-ce qu’ils ont dit les animateurs ?

Bah, je ne leur ai pas dit. J’avais peur qu’ils se moquent de moi et me disent que c’est pas grave parce que c’est une fille qui m’a tapé.

Tu penses qu’ils auraient dit ça ?

Je ne sais pas… »

By Erika
By Erika

Comment réagir quand une fille frappe un garçon à l’école ?

J’étais assez perplexe sur le coup et j’avoue, je n’ai pas su quelle était la solution la mieux adaptée face à cette situation. Faire demi-tour et aller discuter avec la fille en question ? Lui demander le numéro de téléphone de ses parents pour discuter avec eux ? Mettre un mot dans le cahier de liaison en rentrant pour prévenir la maîtresse ? Laisser couler ?

Je fais partie de cette génération à qui on a dit et répété « On ne frappe pas une fille ! » parce qu’une fille, dans l’inconscient collectif, c’est doux, c’est gentil, c’est fragile… Mais une fille, ça ne doit pas frapper un garçon et quand ça arrive, ben, on est bien embêté-e-s pour savoir comment réagir !

En même temps que j’écris ces lignes, je pense aux commentaires que cet article pourra susciter : « Ah, mais tu vois que la violence des femmes envers les hommes existe… Tu vas encore dire que les hommes battus sont peu nombreux mais quand ça concerne ton fils, tu réagis !… Ça commence à l’école et ça va continuer plus tard, les femmes sont des castratrices dès le plus jeune âge…« . Mais là, voyez-vous, je ne vais pas entrer dans ce débat. Je n’ai jamais nier l’existence des hommes battus et je pense qu’ils sont sous-estimés dans les statistiques. Mais, force est de constater qu’ils sont bien moins nombreux que les femmes à être victimes de violences (même si peu portent plainte) et je vous invite à consulter les statistiques sur le site de référence « Stop Violences ».

Bref, cette histoire a quand même fait du chemin dans ma tête. La violence, je connais. Le harcèlement scolaire aussi. Est-ce qu’on peut parler de violence avec ce qui s’est passé ce jour là à l’école ? Oui, je le prends comme tel parce que mon fils a été blessé : la marque rouge de la main de Cendrillon* et les autres filles qui se sont moquées de lui. Ça lui a fait mal donc c’est une forme de violence.

Je pourrai m’arrêter là et me dire qu’après tout, ce sont des enfants, qu’ils jouaient et que Cendrillon* a fait mal à mon fils. Point barre. Pas la peine d’en faire toute une histoire et encore moins de venir m’épancher sur mon blog pour si peu de choses.

Sauf que quelque chose me gêne dans le fait de laisser faire et de ne rien dire. Sans trop entrer dans les détails, Loulou a déjà connu de très mauvais moments à l’école maternelle. Il se faisait frapper par ses petits copains de classe mais comme nous ne voulions pas qu’il se batte, il se laissait faire. Il a commencé à faire des cauchemars, à avoir mal au ventre en allant à l’école, à se renfermer… Nous avions pris rendez-vous avec le directeur de l’établissement et nous avons compris qu’il souffrait. Nous l’avons alors autorisé à se défendre. Pas à donner des coups en premier, non, mais à se défendre. Montrer qu’il ne se laisserait plus faire. Montrer que si un enfant lui donnait des coups, il serait capable de les rendre. Il a retrouvé confiance en lui, son sommeil et son sourire.

Même s’il s’agit d’un événement isolé, je préfère prendre les choses en main tout de suite. Je n’ai pas envie qu’il vive à nouveau ces moments difficiles.

Trouver les mots pour parler des stéréotypes fille – garçon

En fin d’après-midi, j’ai glissé un mot dans la boîte à expressions en disant que j’aimerai bien parler avec Loulou de ce qui s’est passé à l’école à condition qu’il en ait envie, lui aussi. Du temps s’était écoulé et je ne voulais pas remuer le couteau s’il était passé à autre chose. Il était d’accord alors nous nous sommes isolés et avons repris le fil de la discussion.

– « Tu sais, Loulou, fille ou garçon, on ne tape pas les autres, on en a déjà parlé, tu t’es déjà suffisamment fait embêter comme ça quand tu étais à l’école maternelle et l’année dernière. Alors, si Cendrillon* t’a fait mal, ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle a le droit de le faire sans qu’on ne lui dise rien. Cela aurait été un garçon, qu’est ce que tu aurais fait ?

Je crois que je l’aurais dit aux animateurs ou je me serais défendu…

– Et comment auraient réagi les animateurs ?

– Ils nous auraient demandé ce qui s’est passé. On se serait expliqué et on aurait proposé des solutions pour ne pas que ça se reproduise. Après, le garçon, il se serait sans doute excusé et on aurait continué à jouer.

Alors pourquoi ça ne serait pas la même chose avec une fille ?

– …

– Parce qu’on dit que les filles sont gentilles et qu’il ne faut pas les taper ? Que les garçons font la bagarre et sont méchants ?

Oui, mais il y a des filles qui tapent et des garçons qui sont gentils !

Voilà, c’est ça Loulou. »

Pourquoi est-ce que je parle de ça ?

Parce qu’on est encore dans une vision très stéréotypée du rôle des filles et des garçons dans notre société. Parce que, dans l’inconscient collectif, on en est encore à l’image de la petite fille modèle qui ne se bât pas, qui ne va pas savoir se défendre parce qu’elle est douce et gentille. Parce que c’est le rôle des garçons d’être forts et virils et défendre les « faibles filles » face à un adversaire.

Et bien non, de nos jours, les petites filles se battent, se roulent dans la boue, font du skate et jouent au foot. Les petits garçons pleurent, jouent à la poupée et à la dinette…

Stéréotypes fille garçon
Photo : campagne « Moins de clichés, plus de liberté » – Ville de Genève

Je suis bien loin de cautionner toute forme de violence. Je ne demande pas à mon fils de se battre mais de se défendre.

Ma crainte ? La même que la sienne. Qu’on lui dise que ce n’est pas si grave que ça, qu’après tout, c’est « juste » une fille qui l’a frappé. Qu’on se moque de lui parce qu’il s’est laissé faire.

Mais en même temps, est-ce qu’il n’aurait pas été punit s’il avait répondu au coup de Cendrillon* en la bousculant ? Parce que Cendrillon* a le droit, elle aussi, d’aller voir les animateurs si mon fils lui fait mal. Quelles seraient les conséquences pour ce dernier alors que j’ai moi-même cette idée reçue bien ancrée dans ma mémoire : On ne tape pas une fille !

A ce jour, je n’ai pas de solution. Je ne veux pas que mon fils tape qui que ce soit. Je ne veux pas qu’il tape une fille. Je ne veux pas qu’il tape un garçon. Mais je ne veux pas non plus qu’un garçon ou une fille frappe mon enfant.

Voilà pourquoi j’ai rédigé ce billet. Pas pour me plaindre. Pas pour faire passer mon fils pour une victime. Pas pour incriminer qui que ce soit. Non, pour faire réfléchir…

Pour faire réfléchir à ce qui nous pousse à vouloir protéger nos enfants mais en nous mettant des barrières liées à des stéréotypes que nous traînons comme de gros boulets.

 

EDIT EN DATE DU 27 MAI 2016 : 

J’ai expliqué la situation au responsable des activités périscolaires (sans donner les noms des enfants concernés) pour avoir son retour sur la remarque de mon fils. Il m’a indiqué que ce genre de situations étaient gérées au cas pas cas, peu importe qui a commencé, peu importe que les bagarres concernent des filles ou des garçons. Ce qu’il constate, c’est que certains garçons ne touchent pas les filles, d’autres au contraire rendent les coups. Il voit de tout mais si les enfants rapportent une situation, ils ouvrent le dialogue avec eux. Il reconnaît que certaines filles sont bagarreuses et qu’ils restent vigilants.  😊

Pour aller plus loin :

Le site du Réseau CANOPE qui propose des outils de sensibilisation à l’égalité filles-garçons à l’école : https://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-filles-garcons.html

Le site Non au Harcèlement propose des outils en ligne pour comprendre et savoir comment réagir : http://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/

Comment lutter contre les stéréotypes filles-garçons au quotidien : à relire ICI

* les prénoms ont été changés

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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