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Vers une reconnaissance du handicap mental

A vous qui avez été ému-e-s par les documentaires de Zone Interdite et France 5, à vous qui avez lu le billet de Yiayia qui nous parle de son frère Hugo, à vous qui êtes sensibles à la reconnaissance du handicap mental, merci de lire ce qui suit et de faire suivre le plus largement possible.

Le discours de Yiayia me touche, parce que ce combat de tous les jours, elle le porte à bout de bras, elle le crie haut et fort mais elle n’est pas entendue, pas assez, comme de nombreuses familles encore aujourd’hui en France.

Lisez, partagez, faites connaître…

Une des catégorie du blog de Yiayia concerne la reconnaissance du handicap mental

Bonjour Yiayia,

En quelques mots, pouvez-vous nous dire qui vous êtes et nous parler de votre parcours ?

Je m’appelle Olivia, j’ai 38 ans, je travaille dans les relations publiques (Dircom dans le secteur Internet).

Je suis la sœur aînée d’une fratrie de 5. Nous avons été fait en 2 « fournées ». Moi et ma sœur (ma mère m’a eu à 18 ans) et les les 3 derniers sont arrivés 15 ans plus tard.

J’avais 17 ans quand Hugo est né. Il était le bébé roi. Le premier petit garçon de la famille, la descendance. Nous étions tous totalement gâteux. A l’age de 3 ans, 20 ans pour moi, nous avons découvert qu’il avait le Syndrome X Fragile et j’ai appris moi aussi que j’étais porteuse « saine » de la maladie. C’est à dire que j’ai un risque sur deux de la transmettre.

J’ai toujours été activiste pour la reconnaissance du handicap mental. De par mon métier j’ai accès aux journalistes et avec l’avènement des réseaux sociaux, le lobbying est un exercice auquel je commence à m’appliquer. Mais c’est un travail de longue haleine et je reste convaincue que les associations doivent toutes parler d’une seule voix, accompagnées de personnes touchées, médiatiquement reconnues pour que les choses bougent (cf. documentaires récents Zone Interdite / Mon fils, mon combat sur France 5 d’Eglantine Emeye)

Depuis quand tenez-vous votre blog ? Qu’est ce qui vous a donné envie d’écrire ? Pourriez-vous nous le décrire ?

J’ai eu 3 blogs que j’ai fusionné tout en un et cela doit faire plus de 3 ans maintenant mais j’ai toujours écrit. Passif littéraire oblige, j’ai appris le Creative Writing en littérature Américaine à l’université avec une professeure formidable qui enseignait à Harvard. J’ai écrit de nombreuses nouvelles, vignettes, basées sur cette technique littéraire (celle de John Irving entre autres). J’ai participé à des concours littéraires aussi…
Aujourd’hui j’ai moins le temps d’écrire vraiment. Le blog est une bonne alternative et cela me permet d’avoir un exutoire. De crier ma révolte, de contribuer à faire réagir, de partager, de faire rire, pleurer… agacer peut être aussi… je crois que j’ai un besoin viscéral de partager, d’aider à la prise de conscience … et d’être dans le contact humain tout en fédérant les gens.
Mon blog s’articule autour de plusieurs rubriques, dont une pleinement dédiée à l’X Fragile. Évidemment j’ai une rubrique forte appelée « Humeurs » où tout est bon pour râler (mais en faisant rire aussi parfois j’espère) et j’ai aussi des rubriques cuisine, beauté, parce qu’il faut aussi un peu de légèreté..
En fait, c’est un blog multi rubriques et chacun peut y piocher ce qui l’intéresse.


Sans vous proclamer porte parole de l’association nationale du Syndrome X Fragile comme vous le dites, est-ce que vous pouvez nous expliquer quelle est cette maladie, comment elle se caractérise ?

Je ne suis surtout pas porte parole de l’association et même si je les soutiens et que j’ai même payé mon adhésion, j’ai besoin de rester libre. Mais oui, j’en connais un rayon sur la maladie puisque cela fait 20 ans que je la côtoie.
Le syndrome X Fragile est une maladie génétique qui est la 1ère cause de retard mental héréditaire et qui est très proche de l’autisme dans l’expression des symptômes.C’est une maladie qui peut se transmettre de façon invisible pendant des générations et subitement s’exprimer sur un sujet (comme cela a été le cas pour mon frère).X car la dégénérescence se situe sur le chromosome X, qui est un chromosome dit sexuel (chromosomes déterminant le sexe de la personne).

La femme possède 2 chromosomes X. L’homme possède 1 chromosome X et 1 chromosome Y. C’est le père qui détermine le sexe. Lors de la fécondation, la femme donne un de ces chromosomes X et l’homme donne soit son chromosome Y soit son chromosome X. Si c’est l’homme qui est porteur, et qu’il donne un X (soit un X Fragile), les êtres conçus seront des filles (puisque la mère aura donné un X quoiqu’il arrive). La fille conçue sera dès lors porteuse de l’X Fragile. L’expression ou pas de la maladie dépendra du niveau de mutation du gène concerné (le gène FMR1 – un triplet CGG). On parle d’expression de la maladie lorsque ce triplet dépasse les 200 CGG. C’est de la génétique ça devient compliqué.Ce qu’il faut retenir, c’est que du coup, la fille porteuse du gène X Fragile peut l’être de façon « invisible » si elle n’exprime pas les symptômes. On parle de prémutation. Par contre, lorsqu’à son tour, elle a des enfants, dans ce cas c’est elle qui a un risque sur 2 de transmettre un X Fragile qui mutera dans tous les cas lors de la transmission.

C’est ce qui s’est passé dans ma famille. Mon grand père maternel était porteur d’un X Fragile. Il l’a transmis à toutes ces filles (dont ma mère). Ma mère et mes tantes ont eu des enfants et ont eu 1 chance sur 2 de transmettre l’X dit « Fragile’ (Aujourd’hui, moi et une de mes cousines sommes identifiées comme porteuses « saines ») et mon frère Hugo, lui n’a pas eu de chance et a subi une mutation complète du gène. Et comme il n’y a pas eu de compensation avec un autre chromosome X (lui il est XY), il a eu une mutation totale, donc expression de la maladie et c’est ainsi qu’on a découvert l’existence de ce syndrome dans la famille. S’il n’y avait pas eu Hugo ça aurait pu tomber sur moi ou ma cousine.

Concrètement, les symptômes apparaissent à l’âge préscolaire (2/3 ans en moyenne), souvent a l’âge des apprentissages. Cela veut dire: retard dans les apprentissages, troubles psychomoteurs, comportements autistiques (auto mutilation, battements des mains, morsures des mains, balancement, faire tourner des couvercles, résistance au changement, pleurs importants,  répétitions, retard dans la propreté et acquisition du langage), autant de signes de retard. Souvent il y a des oreilles décollées. On se demande souvent d’où elles viennent ces oreilles décollées. Quand on commence à parler autisme, il faut faire des diagnostiques génétiques en biologie moléculaire et faire des recherches d’X Fragile. 10% des enfants diagnostiqués autistes sont en fait X Fragile. Les premières années sont souvent violentes car c’est là où la maladie s’exprime le plus. ça se calme avec le temps. mais c’est vrai que cette maladie (sauf si on en connait l’existence) ne se voit pas à l’œil nu ni à l’échographie).
Une fois qu’on la connaît il y a ce qui s’appelle le diagnostic prénatal ( à 8 semaines de grossesse) et / ou le Dpi (Diagnostic préimplantatoire – FIV avec recherche génétique in vitro)
Pour la reconnaissance du handicap mental

Vous êtes directement concernée par cette maladie avec votre frère. A la lecture de votre article, on ressent tout l’amour et l’attachement que vous avez pour lui. Où en est-il aujourd’hui ?

Oui. Hugo et moi c’est spécial. C’est indescriptible. C’est mon petit frère. Je l’ai bercé des heures sur Aretha Franklin et Otis Redding. J’en suis dingue. Je me sens redevable qu’il ait été touché lui et que grâce à lui je sais pour moi.
Et puis il est mon empêcheur de devenir con. Grâce à lui je reste à l’essentiel. Mon regard sur la vie, sur le monde n’est pas le même. Je suis obligée d’être dans le vrai, je suis obligée d’aller à l’essentiel. Comme toute ma famille d’ailleurs. Quand mes parents ne seront plus là je serai là pour lui.
Hugo va avoir 21 ans. Il est toujours dans son IME mais il faut trouver une sortie car à l’âge adulte les IME ne sont plus adaptés et il faut laisser la place aux autres qui attendent… Mais trouver un établissement, un lieu de vie qui ne ressemble pas à un asile, qui permette l’externat, qui ne soit pas à des centaines de kilomètres de la maison, c’est difficile. Mes parents doivent faire preuve de ténacité, de fermeté, de combativité pour permettre à Hugo d’avoir une transition acceptable. Pas idéale. Acceptable. On a peut être trouvé quelque chose et on croise les doigts pour que cette phase transitoire évolue dans le bon sens.
En France on manque de maisons pour adultes, comme les maisons Perce Neige. Des lieux adaptés, de confiance, vraiment occupationnels et pas des espèces d’hospices où on bourre ces personnes de psychotropes. Donc pour l’instant ça se présente mieux que l’an dernier en termes d’orientation mais rien n’est jamais acquis et il faut en permanence se battre et être vigilant. Ne rien lâcher.
Mais Hugo est un garçon fondamentalement heureux et cool. C’est notre ange. On se dit souvent que s’il n’avait pas eu cet X Fragile il aurait été parfait. Mais la perfection ne peut pas être terrestre.

Lorsqu’il était enfant, est-ce que vos parents ont dû réorganiser leur vie professionnelle et leur vie familiale ? Leurs employeurs avaient-ils mis en place des mesures afin de favoriser leur présence aux côtés de votre frère ?

Mes parents ont du tout réorganiser. Ma mère avait un commerce qu’elle a du revendre. Avec Hugo et la naissance des 2 autres petits derrière, ça devenait ingérable pour elle. C’est ma mère qui a fait des sacrifices.
Après, il a fallu déménager pour se rapprocher de l’IME d’Hugo pour lui éviter des heures de taxi. Donc pas de mesures prises pour le travail. Mon père a poursuivi même si bien sur il a du jongler avec les rdv dans les hôpitaux et encore avec les rdv IME, etc. … mais ça se gère.
Je sais que dans bien des cas, un des deux parents est obligé d’arrêter de travailler car maladie et travail en France ça ne va pas bien ensemble. En tous cas dans des configurations comme celles ci.

Est-ce que les choses ont changé aujourd’hui au niveau d’un cadre légal afin de permettre aux parents de concilier leur vie professionnelle et leur vie de famille avec un enfant « à charge » ?

Honnêtement, ma famille n’est pas un exemple car maman a tout simplement arrêté de travailler. Je dirai que non.
Aujourd’hui pour ce que je constate, cela reste un enfer pour les familles et rien n’est fait pour aider vraiment les parents dans la prise en charge ni pour concilier justement travail et famille avec un enfant handicapé.
Donc oui c’est plus facile comme toujours quand on a des moyens financiers et/ou de la famille aidante et solidaire pour compenser.

Quels sont les moyens d’action pour lutter contre cette maladie ?

Il n’y en a pas. Enfin, peut être un jour la thérapie génique permettra de corriger cet X Fragile mais ce n’est pas pour maintenant même si la recherche avance bien notamment pour le traitement de l’anxiété et des problèmes de concentration qui sont des freins aux apprentissages.
Après, il reste la prévention. Donc quand on veut un enfant il faut vérifier qu’il n’y a pas de retard mental dans la famille. tout retard mental inexpliqué doit conduire à un diagnostic génétique. Il faudrait que les gynécologues aient ce réflexe de demander / proposer. Il faudrait que comme pour la trisomie, le caryotype X Fragile devienne un jour obligatoire et quand on sait, comme moi, comme ma cousine, il faut procéder à un diagnostic pré natal à 8 semaines de grossesse (en cas de grossesse naturelle) et on sait sous les 10 jours si X Fragile ou pas et auquel cas on propose un avortement thérapeutique (1 chance sur 2 – c’est énorme) ou se lancer dans le parcours du diagnostic préimplantatoire qui consiste en une FIV avec recherche génétique in vitro (pris en charge mais avec beaucoup d’étapes et de contraintes à passer qui peuvent en freiner plus d’un)
Moi j’ai 38 ans, je suis bientôt en zone « rouge » et j’envisage plutôt le DPN et en dernier recours le DPi …
 

2014 est arrivé, quels sont vos projets pour cette année ?

Un bébé ? Peut être, si dieu le veut…

Merci Olivia. J’espère que cette interview sera diffusée le plus largement possible pour contribuer à faire connaître ton combat pour la reconnaissance du handicap mental et celui de nombreux autres parents. 

Et je pense qu’on va toutes croiser les doigts pour que ton beau projet se concrétise cette année 

Pour davantage d’information :

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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