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Harcèlement moral au travail

Le harcèlement moral au travail, on se dit que c’est comme une maladie, que ça n’arrive qu’aux autres. Pour parodier Forest Gump, je pourrais dire que « Les employeurs, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber », et quand on tombe sur un chocolat pourri à l’intérieur, ça peut faire beaucoup de mal...

Pour revenir un peu sur mon parcours, disons que j’ai travaillé plus de 12 ans dans le domaine de l’insertion professionnelle. J’ai travaillé sur différents dispositifs d’accompagnement des demandeurs d’emploi mais aussi des bilans de compétences avec des salariés, de l’orientation en VAE, des informations sur la création d’entreprise.

Jusqu’alors, j’avais l’impression d’être utile à mon prochain en accompagnant les personnes dans leurs démarches d’orientation professionnelle, de recherche d’emploi ou de formation, leurs projets de création d’entreprise.

J’avais eu la chance de travailler pour des structures avec lesquelles je partageais des valeurs communes, centrées sur la personne, son environnement, ses contraintes…

Et puis, pour des raisons de proximité géographique et pratique, j’ai trouvé un poste dans un organisme de formation implanté dans ma ville, un grand réseau national.

Lors de l’entretien de recrutement, tout est beau, on me parle de primes au placement qui permettraient d’arrondir le salaire -trop faible- proposé, de tickets restaurant, d’évolution vers un poste à responsabilités après une période d’intégration.

Mais j’ai vite déchanté et découvert un monde de promesses non tenues, d’exploitation et pour finir, de harcèlement.

Des engagements non tenus de la direction…

Ça commence avec les tickets restaurant. La première fois que j’ai reçu les miens, j’ai dû m’y reprendre à deux ou trois fois avant de réaliser qu’ils étaient bien à 2 euros 50 ! Oui, oui, 2,50 euros pour des tickets resto et nous devions nous estimer contents de les avoir. Comme nous rallions un peu trop, la direction avait menacé de les supprimer.

Lorsque j’ai intégré le poste, il était question d’une première phase d’observation afin de me familiariser avec le dispositif spécifique sur lequel j’intervenais, l’équipe, le public, puis de prendre la coordination de l’antenne sur laquelle j’étais.

Pleine de bonne volonté, je mets en place un suivi administratif, relance les relations avec les différents partenaires, remet en place des ateliers, le tout appuyée par une petite équipe très investie. Fin de période d’essai, je demande à être officiellement nommée sur le poste promis mais le responsable de l’agence me rétorque que l’équipe a trouvé un équilibre avec notre manière de fonctionner et que cela risque de créer des tensions si je prends la tête de ce site…
Premier coup de massue.

Comme mon salaire est vraiment très faible par rapport à mon niveau d’études et mon expérience professionnelle (j’ai un bac + 5, je travaille pour un salaire à peine au dessus du SMIC), je remets sur le tapis la question de la prime au « bilan de compétences salariés » évoquée lorsque le responsable de l’agence m’a demandé de les faire. En effet, je suis la seule sur l’antenne à pouvoir réaliser cette prestation, payée entre 1250 et 1800 euros par un organisme. Nous avions donc évoqué la possibilité de mettre en place en système de prime à chaque fois que je réaliserais un accompagnement de ce type. Mon tord ce jour là ? Avoir demandé un passage en CDI en même temps… « Entre les primes et le passage en CDI, il va falloir choisir…« .

A cette époque, je ne peux me permettre de quitter cet emploi et le CDI est nécessaire pour obtenir le prêt dont nous avons besoin pour l’achat de notre logement alors j’encaisse. Après tout, je m’éclate bien avec mon équipe, j’aime bien ce que je fais…

Lors de nos entretiens d’embauche, il avait également été question d’obtenir une prime sur le placement des jeunes que nous accompagnons. Nous tenons un tableau de nos suivis. Le responsable de l’agence annonce sa démission mais nous assure que le nécessaire sera fait pour que nous touchions nos primes. Nous restons 3 mois sans responsable, avec passage une fois tous les 15 jours du responsable régional avec qui le dialogue est impossible. Nous décidons donc d’écrire au directeur général et là, le choc pour mes collègues et moi-même : comme il n’est fait mention nulle part dans nos contrats de travail de ces primes et, en l’absence de preuves écrites, nous ne les toucherons pas ! Une parole n’est qu’une parole, seul un écrit fait acte. Ça sera leur parole contre la notre. Deuxième coup de massue, nous ne toucherons pas ces primes.

Nous en parlons avec les délégués du personnel mais ces derniers ne sont formels : ils ne peuvent rien contre le poids de la direction et jugent que la réponse écrite qui nous a été faite après notre réclamation fera foi. Pas d’écrit dans notre contrat de travail, pas d’avenant, pas de procédure en somme…

Au harcèlement moral sur mon lieu de travail :

Mais là où les choses se sont vraiment compliquées, c’est à l’arrivée de la nouvelle responsable.

Pendant les 3 mois sans responsable d’agence, notre équipe s’est organisée, les rôles se sont répartis, tout roule ou presque…

Dès sa prise de fonction, les choses sont claires : pour asseoir son autorité et son rôle de responsable d’agence, elle nous retire tout notre semblant de responsabilité, toute prise d’initiative. Un peu rude de se retrouver « simple exécutante » et d’avoir à enchaîner les rendez-vous.

Le mot d’ordre est « rentabilité », on ne parle plus de personnes accompagnées mais de clients.

Nous n’avons plus de temps de préparation pour la partie administrative au motif que ce qui est mentionné dans la réponse à l’appel d’offre de Pôle Emploi est « une heure consacrée à la personne » et que dans ce temps, il faut inclure l’entretien de suivi, la recherche d’emploi ET le temps de rédaction des synthèses.

Nos portefeuilles se chargent, on enchaîne les entretiens… Lorsque la personne rate un rendez-vous, la consigne est claire, il faut menacer les bénéficiaires des prestations sinon notre organisme ne sera pas payé pour la totalité de l’action : « Vous faites récupérer la signature ! Et si elle ne veut pas, vous lui dites que si elle ne signe pas, ça fait 15 jours d’absence entre deux rendez-vous et qu’elle peut être radiée de Pôle Emploi ! ».

Je commence à me perdre, cela ne correspond plus à mes valeurs. Là où je pense humain, elle parle de chiffre d’affaire.

Harcèlement moral au travail
Illustrateur-trice inconnu-e

Non respect des conditions de travail :

Je reçois toujours des salarié-e-s pour les bilans de compétences. J’avais un bureau assez spacieux et éclairé ce qui me semblait la moindre des choses vu les tarifs de ces prestations (entre 1250 € et 1700 € selon les organismes financeurs). Mais la responsable décide que les bureaux ne sont pas nominatifs et instaure un planning de l’occupation de ces derniers. Tous les soirs, je dois donc mettre mes affaires dans un carton et tous les matins, changer de bureau.

Un jour,  je reçois une salariée dans le cadre d’un entretien pour son bilan de compétences dans un bureau qui ressemble à un cagibi, sans fenêtre, avec un éclairage halogène. Cette dernière me fait remarquer que ces conditions de travail ne sont pas conformes et refuse que l’entretien soit mené dans ce bureau.

J’en informe la responsable et lui demande l’autorisation d’occuper le grand bureau, vide. Refus au motif que je me dois de respecter le planning d’occupation mis en place !
J’insiste, lui rétorque que le bureau est vide, inoccupé mais elle persiste sur le respect du planning mis en place. Elle a même le culot de proposer à la personne de transformer cette séquence d’entretien individuel en démarche personnelle contre signature de la feuille l’émargement, n’oublions pas qu’on parle de client et non de bénéficiaire…

J’en reste sans voix et m’excuse auprès de la personne que j’accompagne. Nous ne réaliserons pas cet entretien mais elle ne signera pas la feuille non plus. Nous trouvons un accord et fixons un autre rendez-vous. Cette dernière me dira lors de l’entretien de bilan que les conditions dans lesquelles je travaille sont abominables et qu’elle en informera l’organisme ayant financé le Bilan de Compétences.

Conciliation vie-pro vie-perso, cette inconnue…

La responsable décide d’instaurer des réunions le vendredi à 16 heures afin de ne pas empiéter sur les entretiens. C’est bien connu, les réunions ne sont pas des temps « productifs » alors il faut rentabiliser les temps de présence des salarié-e-s au maximum.

Nous sommes plusieurs parents à devoir aller récupérer les enfants à la sortie de l’école mais elle ne change pas ses horaires en nous mentionnant que l’implication des salarié-e-s dans le développement de la structure se voit à la présence en réunion !

Lorsque mes enfants sont malades, je m’arrange pour appeler les bénéficiaires que je devais recevoir de chez moi. Je leur propose un autre rendez-vous, parfois je travaille depuis la maison à distance avec les personnes. Je sais, on ne me demande rien, c’est mon investissement personnel qui me fait agir.

De plus, je travaille en 4/5ème, et souvent, pour respecter les délais de fin de prestations imposés par les prescripteurs (Pôle Emploi notamment) et ne pas perdre de jours de congés lors de mes absences pour enfant malade, l’ancien responsable m’autorisait à décaler mes journées de travail, à venir travailler le mercredi en lieu et place d’un jour d’absence.

Petite victoire, j’avais obtenu l’accord de principe de la nouvelle responsable pour ce même mode de fonctionnement. Mais elle ne comprenait pas très bien comment cela se passe avec les maladies des enfants et j’ai eu le droit à cette perle : « si vos enfants sont malades, pourquoi ça n’arrive pas le mercredi ???« .  Est-ce bien la peine de répondre ???

Je passe sur les moments où elle se poste devant la porte d’entrée et mentionne « Il est 9 h 02, vous êtes en retard » – Ouahhhh, 2 minutes de retard !!! Heureusement que je ne prenais pas le RER B à cette époque 😉

La fois où j’arrive à 9 h 10 parce que grève des bus, j’avais prévenu mais elle a bien noté mon retard qu’elle me signifie dès mon arrivée dans les locaux. Je reste un peu plus tard le soir (plus d’une heure quand même) et au moment de partir, alors que je passe lui dire « Bonsoir, il est 18 heures 30, je m’en vais… », histoire de bien lui faire remarquer que j’ai largement rattrapé mes 10 minutes de retard du matin, elle me rétorque « Oui, à demain, et soyez à l’heure hein !!!« .

Horloge
Illustrateur-trice inconnu-e

La fois de trop…

Mais là où j’ai hésité entre pleurer et lui mettre mon poing dans la figure, c’est quand mon fils a été hospitalisé pour une pleurésie, plus de 40° de fièvre pendant 3 jours.

J’ai dû m’absenter presque une semaine mais je pensais à tous ces entretiens qu’il fallait clôturer, ces délais qu’il fallait respecter. Mon fils allant un peu mieux, je demande à mon beau-père de venir le surveiller une journée. Nous sommes un mercredi, je ne travaille pas d’habitude ce jour là mais j’ai accumulé trop de retard que je pense avant tout à le rattraper et assurer mes suivis.

J’arrive au travail encore pleine de culpabilité de laisser mon enfant malade, elle me convoque dans son bureau « Ça commence à bien faire toutes ces absences, ça n’est pas professionnel du tout !« .

Je lui rétorque que mon enfant est malade, que ce n’est pas une absence injustifiée, que j’ai réussi à m’arranger pour venir travailler un mercredi de manière à rattraper mon retard et clôturer les dossiers en temps et en heure…

Et là, elle m’assène le coup de grâce :  « Entre vos absences parce que vos enfants sont malades, votre présence un mercredi, vous ne respectez absolument pas votre planning, votre attitude n’est pas professionnelle, vous n’êtes pas professionnelle !!! « .

Je suis revenue dans mon bureau, j’ai fermé la porte et j’ai pleuré…

La meilleure chose qui me soit arrivée dans cette expérience :

Enfin, arrive le jour de la grand messe : l’entretien annuel ! On se fait nos reproches mutuels mais elle m’encourage à m’investir dans les différentes activités et note « l’année 20XX sera l’année de l’investissement professionnel, du développement vers de nouvelles actions !« . L’entretien se passe le mardi.  

Samedi de la même semaine, je reçois une lettre recommandée avec avis de réception : ma convocation à un entretien de licenciement ! Admirez le manque de courage pour m’annoncer que la Direction Générale avait décidé de se séparer de moi après la perte du marché Pôle Emploi, les encouragements bidons à m’investir dans les projets de la structure, le brossage de poils… pour mieux enfoncer le clou lors de la réception de ce courrier auquel je ne m’attendais pas du tout !!!

Pendant ma période d’essai, elle a le culot de me demander de rappeler tous les bénéficiaires qui n’ont pas été suivi depuis plus de 2 mois par ma collègue malade, de leur demander de venir signer les feuilles de présence et me répète de les « menacer d’être radiés de Pôle Emploi » s’ils ne le font pas. J’ai appelé les gens, je ne les ai jamais menacé, j’ai noté dans le logiciel « Suite à des raisons de dysfonctionnements propres à la structure, Mr ou Mme n’a pu être suivi dans les conditions mentionnées dans la réponse à l’appel d’offre. L’accompagnement n’a pas pu se poursuivre sans que la responsabilité de ce bénéficiaire ne soit engagée ». Nanméo !

Ce licenciement a été la meilleure chose qui me soit arrivée au final.

La structure n’a pas obtenu le renouvellement du marché Pôle Emploi. D’autres licenciements ont suivi, même ceux qui se pensaient à l’abri.

Pour conclure, j’ai appris que cette responsable était enceinte et qu’elle se faisait arrêter régulièrement parce que sa grossesse la fatiguait –

J’aurai juste envie de lui dire « hummm, pas très professionnelle Madame !« 

Edit : le mercredi 14 janvier 2015, je suis passée devant les locaux… J’ai failli ne pas m’arrêter et puis, la boule au ventre, j’ai poussé la porte, prête à affronter mes anciens démons même deux ans après…
J’en suis sortie avec le sourire : l’ancienne harceleuse a été licenciée à son tour… Il ne reste plus personne de l’ancienne équipe.

La boucle est bouclée !

Égalimère

Working-mum, pro de l'équilibre vie pro-vie perso, qui culpabilise, râle contre les stéréotypes & les inégalités, aime la vie, les sorties et les voyages.

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